samedi 19 février 2011

80 millions de voyeurs

Alors que j'étais épuisée et préoccupée, il y a quelque temps, j'ai demandé à mon bibliothécaire personnel de me trouver dans nos étagères un livre "plutôt facile, distrayant, style policier, prenant".
J'adore demander à mon bibliothécaire de me choisir un livre: il y a toujours une part délicieuse de surprise et je lis ainsi des romans que sinon je n'aurais jamais ouverts. Mais c'était une mission délicate: je voulais du polar sans terreur. Cette fois donc, son choix s'est porté sur 80 millions de voyeurs, de MacBain.
Premier MacBain me concernant, bilan globalement positif. L'histoire m'a attrapée, comme je le souhaitais, la lecture était effectivement facile mais avec des lourdeurs qui m'ont gênée, dans le fond et la forme. Le décalage temporel énorme m'a amusée: on a presque l'impression d'être dans un autre univers.
Je crois que je vais en lire un autre.

Maximine

Dans le Magazine Littéraire, récemment, j'ai lu un court article sur cette femme et son dernier livre, Somme d'amour. Le poème qui y était reproduit m'a séduite immédiatement et touchée d'une façon inattendue.

Je n'aime pas beaucoup la poésie. J'aimerais l'aimer, mais je ne la comprends pas. Bien souvent, je lis un poème avec envie, l'envie de résonner, comme si je savais au fond quelles émotions la poésie peut procurer, mais rien. La plupart du temps je ne parviens même pas à aller au bout du poème. Le texte m'est étranger et je décroche. C'est tout à fait frustrant et ces échecs m'ont détournée de la poésie en général.

Au collège, lire Ronsard avait été un choc. Adolescente, j'ai eu ma phase Baudelaire, aussi intense qu'entière, mais qui s'est étiolée doucement avec les années. Et puis Aragon. En-dehors de cela, la poésie m'est restée étrangère.
Jusqu'à la lecture de ce poème dans le Magazine Littéraire, presque par inadvertance. Un court texte, lu en attendant que le thé infuse, parce que je n'avais pas envie de faire la vaisselle. Un texte qui fait écho, que je comprends, qui m'émeut sans même que j'y aie pris garde.

Je n'ai pas fini de lire Somme d'amour. J'essaie de faire durer, de déguster chaque poème comme un marron glacé: arriver au coeur de chacun de ces textes doit se savourer, et c'est à chaque fois un délice et une surprise.

Difficile de choisir un extrait, tant les mots de cette femme sont justes, émouvants et aériens. Mais tout de même, pour aujourd'hui:

Comme une étoile déchirée
On vit... Bon ce n'est pas cela
N'importe C'est à chaque fois
La même parole étonnée

D'avoir trouvé si loin là-bas
L'astre qui brille votre coeur
C'était quoi déjà cette douleur?
Tu m'écris elle est effacée

Pour un instant pour des années
N'importe Voici les pivoines
Et le temps qui croit qu'il me fane
Se trompe Il m'a multipliée



J'aimerais beaucoup entendre Maximine, la voir. Croisons les doigts, peut-être fera-t-elle partie des invités de ma librairie, un jour? Je pourrai ainsi lui témoigner silencieusement toute mon admiration, car je ne parviens pas à comprendre comment on peut écrire de pareils textes.

La rivière à l'envers

Mon fils a lu, dans le cadre de son cours de français de sixième, La rivière à l'envers (1. Tomek), de Jean-Claude Mourvelat. Comme ce livre lui a beaucoup plu, il m'a invitée à le lire.
Le rythme est inégal, parfois j'aurais aimé en lire plus sur un lieu ou un personnage, mais ce livre me semble très bien pensé pour les enfants de fin de primaire ou de début de collège: on y est charmé, tenu en haleine ou amusé, tour à tour. L'auteur a vraiment eu des idées originales et j'ai aimé être surprise.
Le message de l'auteur est exposé clairement: lorsque j'ai demandé à mon fils de m'expliquer de quoi il s'agissait, plutôt que de me dire "C'est l'histoire de Tomek, un jeune homme qui part à l'aventure et recherche une jeune fille dont il est tombé brutalement amoureux. Il va découvrir des régions incroyables et faire des rencontres surprenantes", il m'a dit d'abord "C'est un livre qui explique que si on ne mourrait jamais, la vie perdrait sa valeur. C'est la mort qui donne son prix à la vie". Et ensuite, il m'a résumé l'histoire.
Du coup, je l'ai lu. Avec plaisir.
Il existe un autre tome, qui fait écho à celui-ci: l'histoire est racontée par un autre personnage, la jeune fille dont est tombé amoureux Tomek. Mon fils veut le lire, tant mieux.

Je n'aime pas la barbe à papa.

La barbe à papa, ça colle, c'est rose, écœurant et je n'aime pas cela. La seule chose que j'aime, avec la barbe à papa, c'est lorsqu'il pleut: les gouttes de pluie, en tombant sur le sucre filé, recondensent la matière, et elle retrouve sa couleur rose foncé initiale en se recroquevillant sur elle-même.

De la barbe à papa un jour de pluie, de Bi Feiyu, est un court roman. Il ne colle pas, n'est ni rose ni écoeurant, et je ne pense pas que le livre se condense lorsqu'il est touché par la pluie, mais je n'ai pas aimé non plus.

Le roman raconte la vie d'un jeune homme, Hongdou, au travers des yeux d'un de ses amis. Hongdou est un garçon sensible, doué pour jouer de l'erhu et composer des mélodies bouleversantes. Mais sa vie bascule lorsqu'il revient du front sino-vietnamien. Il dérive, s'isole, perd pied. L'amitié du narrateur, l'attention de sa sœur n'y font rien: Hongdou meurt, lentement, douloureusement.

La déchéance du jeune homme est décrite avec subtilité et humanité. La société, les coutumes, les interdits décrits sont typiquement asiatiques et en cela ce livre est un témoignage très intéressant. Mais il m'a laissé un goût désagréable.
D'abord, on nous dépeint Hongdou comme une créature efféminée et étrange. Je n'ai pas réussi à faire prendre vie au personnage, à le voir comme l'auteur nous le présente. Le regard porté sur lui ne m'a pas semblé correspondre à ses comportement. Je n'ai pas pu me le représenter, il n'a pas existé suffisamment dans mon imaginaire. J'ai eu le sentiment curieux qu'on essayait de le faire passer pour quelqu'un d'autre que ce qu'il était.
Le fossé culturel m'a sans doute gênée: je n'ai pas non plus réussi à comprendre les réactions, les motivations des personnages. Son ami, par exemple, agit de façon contradictoire, à mon sens, et sa sincérité ne m'est pas évidente. Ce mélange d'individualisme et d'altruisme m'a perdue, je crois.
Enfin, je regrette que la relation de Hongdou avec son père n'ait pas été plus fouillée: elle m'a semblé complexe et cruciale, mais traitée de façon assez superficielle.

Cela étant, pourquoi ce livre me laisse-t-il une impression de gêne? Pourquoi me suis-je empressée de le chasser de mon esprit?
Je l'ignore.