samedi 7 janvier 2017

Des cartes de bibliothèque pas tout à fait comme les autres







La Bibliothèque nationale de France a redécouvert récemment les cartes de lecteur de certains membres prestigieux. Dommage qu'on ne puisse pas connaitre les livres consultés par ces célèbres lecteurs !

dimanche 25 décembre 2016

Des revues et des livres à propos de Julien Gracq








La découverte de la revue 303 consacrée à Gracq m'a fait en rechercher d'autres, que je me suis fait offrir  pour noël. J'avais déjà deux Magazine littéraire avec un dossier sur lui, ainsi que le numéro des Cahiers de l'Herne.




S'ajoute à cela deux livres sur Gracq que je suis impatient de lire.








lundi 19 décembre 2016

Les lectures de François Mitterrand

L'INA propose deux émissions littéraires des années 70, consacrées aux lectures de François Mitterrand. Nous les avons regardées toutes les deux et, malgré une image de piètre qualité, ce fut à chaque fois un bon moment. 
Bernard Pivot a reçu François Mitterrand, qui inaugura une nouvelle formule de l'émission, la présentation de ses propres lectures, en février 1975.
L'émission littéraire mensuelle de Michel Polac (Bibliothèque de poche) a rendu visite à François Mitterrand dans sa bibliothèque en juin 1970, pour parler de ses lectures marquantes.
Entendre Mitterrand parlé de ses lectures est un plaisir et il me semble que c'est dans ces moments là que le réservé et discret homme politique se dévoile : ses yeux s'illuminent, ainsi que son visage.

Ces émissions suscite aussi de la nostalgie, évidemment : nostalgie pour une télévision de qualité, qui prenait le temps et ne prenait pas son public pour des imbéciles mais aussi nostalgie pour une classe politique cultivée, qui savait parler correctement.

François Mitterrand n'évoque pas Julien Gracq lors de ces émissions, mais il aimait lire Gracq et passait souvent à la librairie Corti. Je sais que, devenu président de la république, il a voulu l'inviter trois fois à l'Elysée mais que l'écrivain, qui ne l'appréciait pas, a décliné à chaque fois l'invitation. J'en éprouve du regret tant ces deux hommes auraient eu, selon moi, des choses à se dire, à propos de la littérature.

vendredi 16 décembre 2016

Un magnifique cadeau



Merci Barbara pour cette sublime revue consacrée à Julien Gracq ! Il m'a été très difficile d'en arrêter la lecture après la pause méridienne pour assurer les trois dernières heures cours de l'année 2016...
J'ai découvert que cette revue avait déjà fait tout un numéro sur Gracq en 1986, que je vais me procurer de ce pas, même s'il semble moins riche que celui - ci. Et pour aller avec, sans doute ce numéro de la revue Givre, également.





jeudi 15 décembre 2016

Quatre extraits de Julien Gracq

Ils proviennent d'une émission de France Culture, intitulée Morceaux choisis.
Une évocation de Nantes dans Lettrines.
    Un poème en prose de Liberté Grande.
    Un chapitre du roman Un balcon en forêt.
    La découverte du volcan surplombant Rhages dans Le rivage des Syrtes.
    Et enfin, le prologue de Un beau ténébreux.  

dimanche 11 décembre 2016

Sauvé par les livres

Voici un extrait d'un entretien accordé par Edouard Louis (de son vrai nom Eddy Bellegueule), auteur d'Histoire de la violence et de En finir avec Eddy Bellegueule. Il y parle de la lecture et des livres, qui ont changé sa vie. Vous aimiez lire, petit ?
"Pas du tout. Il n’y avait aucun livre à la maison. Pour nous, les livres, c’était un peu le symbole de la vie qu’on n’aurait jamais, de tout ce qui nous excluait. Alors on les excluait en retour, comme une vengeance. On se vengeait de la culture. Même au lycée, au début, je ne lisais pas : j’ai fait un bac littéraire, mais je n’ai lu aucun des livres au programme, seulement des fiches, parce que je gardais cette haine de la culture légitime. C’était pourtant des livres super, que maintenant j’adore…"
Quand se produit votre rencontre avec la littérature ?
"En terminale, avec Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce. A l’époque, je fais huit heures de théâtre par semaine : même si je lis peu, je suis bien obligé d’apprendre mes scènes ! Et cette année-là, c’est Lagarce qui est au programme.
Au début, je trouve cette langue trop difficile, presque insupportable. Mais soudain je comprends le texte, et je vois ma vie de manière complètement différente. L’histoire de ce fils d’un milieu populaire, qui en part et y revient, cette distance, cet arrachement avec sa famille… Tout ça avait déjà commencé pour moi depuis que j’étais au lycée. Je lis ce livre, et j’entre alors dans une détresse des origines, car je comprends ma place au monde."
Quand vous publiez votre premier roman, vous êtes étudiant à l’ENS, et quatre ans ont passé depuis votre bac. Que vous arrive-t-il entre-temps ?
"Je lis Retour à Reims, de Didier Eribon, et c’est après Lagarce le deuxième grand marqueur de ce que je me sens devenir. Avant le bac, plusieurs enseignants m’avaient conseillé de faire une prépa. Mais le rêve, pour moi, c’était l’université, ce qu’on voyait à la télévision avec ma famille. Je me suis donc inscrit à l’université d’Amiens, en histoire et en sociologie… jusqu’à ce que la mère d’un ami me conseille Retour à Reims.
L’histoire de ce garçon qui quitte Reims pour vivre à Paris, qui commence à écrire pour les grands journaux, qui se lie d’amitié avec des gens comme Bourdieu, Duras, Foucault… Je lis, je me dis : « C’est ma vie ! »… et je me rends compte que c’est faux. Car à cette époque-là, je ne lis quasiment pas. Et je n’ai encore jamais pensé à écrire."
Et alors ?
"Alors c’est une immense secousse. Je rencontre Didier Eribon, qui présente son livre à Amiens dans le cadre d’un séminaire universitaire. Je lui demande ce que je dois lire, il me conseille Spectres de Marx de Derrida et La Distinction de Bourdieu, et puis Duras bien sûr.
Je suis ses conseils. Au début, je ne comprends rien. Je me souviens d’heures passées à pleurer tout seul devant mes livres… Mais je m’acharne, et à force la lecture devient de moins en moins difficile. Et l’idée d’aller à Paris grandit… jusqu’à ce que je le fasse.
Je me rends compte que beaucoup des gens que je lis sont passés par l’ENS, je découvre que depuis quelques années il est possible d’y entrer depuis l’université, je travaille pendant deux ans, comme un fou… Et ça marche."

Julien Gracq professeur



En 1928, Louis Poirier, plus connu sous son pseudonyme de Julien Gracq, a été reçu au baccalauréat avec mention Très bien. Admis en classe préparatoire au Lycée Henri IV à Paris, il suivit les cours de philosophie d'Alain. En 1930, Louis Poirier fut admis à l'École normale supérieure et suivait en parallèle des cours à l'École libre des sciences politiques (il en sortit diplômé en 1933). 
Choisissant d'étudier la géographie, en hommage à Jules Verne, dira-t-il par la suite, il fut l'un des élèves d'Emmanuel de Martonne et d'Albert Demangeon, deux grands géographes. En 1934, Louis Poirier publia son premier texte, un article en partie issu d'un mémoire universitaire, "Bocage et plaine dans le sud de l'Anjou", qui parut dans les Annales de géographie. La même année, il fut reçu à l'agrégation d'histoire et géographie, et affecté, d'abord à Nantes, au lycée Clemenceau où il avait été élève, puis à Quimper. 
Mobilisé lors de la drôle de guerre et la défaite, il fut fait prisonnier dans un stalag par les Allemands et libéré en 1941 suite à une infection pulmonaire. Julien Gracq reprit alors ses activités d'enseignement, au lycée d'Angers d'abord, puis, à partir de 1942, à l'université de Caen en qualité d'assistant de géographie, où il entama une thèse sur la morphologie de la Basse-Bretagne, qu'il n'acheva cependant pas. 
En 1946, Louis Poirier quitta l'université de Caen. Il fut nommé l'année suivante au lycée Claude-Bernard de Paris, où il enseigna l'histoire-géographie jusqu'à sa retraite en 1970. 

Voici des extrait d'un entretien donné par Julien Gracq en 1995, à propos de l'un de ces ancien élève, devenu écrivain. 
 "Vous avez écrit de Jean-René Huguenin : «Il avait été mon élève. Mais d'un élève on ne sait rien.» Gardez-vous quand même un souvenir précis de l'adolescent Huguenin, et du groupe qu'il pouvait former autour de lui ? 
 Julien Gracq : "J'ai eu Huguenin comme élève en troisième, puis dans une classe de terminale. Il est certain - surtout en histoire - qu'on n'a pas des rapports directs, très fournis, avec les élèves; on ne les a que trois heures par semaine, cela reste un peu anonyme. Mais j'ai un souvenir assez net de Huguenin, et surtout d'une espèce de remous qui se promenait autour de lui dans la classe. 
Une classe, ce n'est pas seulement quarante élèves et autant d'individualités : c'est aussi des agrégats. On perçoit cela très vaguement du bureau où on parle, mais on voit bien, à l'entrée, à la sortie, qu'il y a des attractions qui se produisent, des petits groupes qui se forment, par affinités ou hostilités... 
Et visiblement, Huguenin était le centre d'un de ces groupes. Il y avait là surtout Renaud Matignon, qui a dû le suivre dans toute sa scolarité - en ce qui concerne Jean-Edern Hallier, je ne suis pas sûr de l'avoir eu comme élève, quoi qu'il le dise... - et puis quelques autres. 
Huguenin n'était pas un élève particulièrement brillant; c'était un bon élève, travailleur, dont je crois qu'il ne portait pas un intérêt spécial par ailleurs à l'histoire et à la géographie... Mais il avait une physionomie, je me rappelle très bien qu'il tranchait sur les autres - d'abord, par une espèce d'aisance physique, et puis par un certain détachement coupant. C'était une personnalité, qui devait en imposer à ce groupe. Voilà l'idée qu'il m'a laissée de lui au lycée. 
(...) 
Je repense à ce sujet au lycée Claude-Bernard, où je l'ai eu comme élève: la première année où j'y ai enseigné, j'avais une sixième, que je n'ai pas gardée ensuite; j'ai eu des troisièmes, des terminales... Chaque classe avait son étage, son couloir. Et à l'interclasse, quand les élèves de sixième sortaient, c'était une véritable danse de Saint-Gui, ils remuaient bras et jambes de tous les côtés! 
Chez ceux de cinquième et de quatrième, cela diminuait - pour en arriver à ceux de terminale, qui, à côté, étaient presque des petits vieux: il n'y avait pas de bruit, ils parlaient tout doucement, ils hochaient la tête avec sagacité... C'est incroyable combien cela va vite, combien, entre onze et dix-sept ans, la vitalité cesse de s'extérioriser! C'est comme un feu qui pétille, et puis après... ce sont des braises.

Voici maintenant ce que l'élève, devenu écrivain, disait de son professeur : "Cette voix ouatée, secrète, qui chuchote la fin de ses phrases est celle de mon ancien professeur d’histoire au lycée Claude-Bernard, Julien Gracq. A cette époque, ses élèves ne connaissaient pas ce nom. Nous ne savions rien de lui. Sa réserve nous intimidait. Il avait le sourire trop rare, le regard trop froid. Nous pressentions un mystère. Ce mystère qui avait inquiété une classe de première, passionna d’un seul coup le monde littéraire et son public.
Jean René Huguenin, Une autre jeunesse, Edition du Seuil, 1965. 

Alain Jaubert, un autre élève de monsieur Poirier au lycée Claude-Bernard, a raconté ses souvenirs de classe dans le Magazine Littéraire de décembre 1981 (merci Barbara !) : 
"Mais monsieur Poirier n'était que le prof d'histoire-géo et jamais il une nous parla de littérature. de petite taille, un visage sévère aux tempes rasées, les cheveux coupés "au bol",, souvent vêtu de costumes sombres, toujours cravaté, l'énigmatique personnage impressionnait suffisamment pour n'avoir jamais besoin d'élever la voix. Je crois bien que toute sa carrière il ne connut aucun chahut. On ne le voyait jamais traîner dans les couloirs ni dans la cour de récréation comme ces professeurs un pu trop familier qui recherchaient la camaraderie de leurs élèves. Il surgissait de nulle part, à l'heure précise, accrochait son manteau, montait sur l'estrade s'asseyait devant son pupitre où il étalait, toujours de la même façon, ses carnets, un stylo, sa montre aussi je crois. Il ne souriait jamais. Au début du cours, il demandait le cahier de classe,, faisait rapidement l'appel, convoquait successivement au tableau trois ou quatre élèves qu'il interrogeait, puis, d'une voix monocorde, reprenait son cours exactement là où il l'avait arrêté à la fin de l'heure précédente. 
les évènements historiques que nous vivions alors - Budapest la guerre d'Algérie le 13 mai 1958 - et qui nous agitait tant,ne provoquait chez lui pas lem oindre commentaire. Et, de toute façon, même s'il improvisait pour nous à partir de ses notes un cours bien à lui, distinct du livre officiel il ne débordait jamais du programme. Il ne dépassait pas non plus l'heure qui lui était impartie. Précis, méticuleux, il s'arrangeait pour que son discours s'achève à la seconde même où se déclenchait les sonneries. Il refermait alors ses carnets, remettait son stylo dans sa poche enfilait son manteau et repartait exactement comme il était venu, sévère, songeur discret. 
A cette discrétion extrême il fit une fois une entorse. Au moment où il traitait de la puissance économique des Etats - Unis, il évoqua soudain un récent voyage à travers le continent nord-américain. Et pour nous décrire à la fois le gaspillage à l'américaine le sens du travail et le mythe du "self made man", (...). Ce souvenir de voyage, c'était comme une obscène confidence sur sa vie privée. 
(...) 
Un soir tard,, comme j'arrivai à la Cinémathèque, rue d'Ulm,où, à la dernière séance on projetait l'Age d'or je tombai sur Gracq. Il me vit, parut surpris et même gêné de rencontrer un de ses élèves à une heure si tardive et dans ce lieu insolite.Il ne dit rien. Et moi, je fis semblant de ne pas le voir.
Le lendemain, au début du cours d'histoire,, il m'appelait, ce qu'il n'avait encore jamais fait, et m'interrogea sur la politique de Guillaume II. Je n'avais pas même jeté un coup d'oeil sur mes notes de cours ni sur le Mallet-Isaac et je ne savais donc rien du dernier des Hohenzollern. Aucun des noms que monsieur Poirier me jeta comme autant de bouées de sauvetage - Hohenlohe, Bülow, Bethmann - Hollweg - n'ayant déclenché en moi la moindre étincelle, il me fit une remarque cinglante sur mon manque de travail, et le masque encore plus sévère que d'habitude, me renvoya à ma place.
Je crois bien qu'il avait voulu me signifier par là qu'il n'était que le professeur d'histoire et rien d'autre."