vendredi 10 décembre 2010

Neige

C'est de saison : Neige, de Keiko Maeo, aux éditions Autrement Jeunesse.
Une couverture recouverte de tissu, des couleurs paisibles, un dessin clair et touchant, et de la neige. Une petite fille qui voit la neige tomber et recouvrir sa ville, qui en profite simplement.
"Odeur de froid
très froid
Même les yeux fermés
Étendue blanche
Neige"
Comment dire à quel point ce petit livre me bouleverse?
Est-ce parce que c'est l'homme que j'aime qui l'a choisi pour moi? Parce qu'il l'a si bien choisi, parce que cette petite fille me ressemble? Parce qu'à l'intérieur de la couverture, ces mots d'amour sont pour moi? Parce que je l'ai ouvert devant un thé bien chaud un après-midi d'hiver, et lu pour la première fois dans des bavardages gais d'enfants?
Pas seulement. Il m'a émue profondément et joliment.
Mais je ne trouve pas les mots.
Peut-être est-ce mieux: ainsi, ils n'appartiennent qu'à moi, ces mots silencieux, et à ceux qui me connaissant assez pour comprendre.

Pas n'importe qui



Ce n'est pas n'importe qui, l'auteur de Le grand n'importe quoi. C'est Jean-Pierre Marielle.
C'est un comédien que j'apprécie beaucoup. Non qu'il n'ait joué que dans des grands films, mais dans l'un d'eux il a bien failli me faire mourir de rire et dans bien d'autre j'ai admiré sa prestance: voilà un homme qui conjugue dignité et originalité.
Il est venu à l'Armitière il y a quelques semaines. Depuis très longtemps j'avais envie d'assister à des rencontres organisées par cette librairie; celle-ci aura donc été la première.
A l'étage des chaises avaient été installées, et lorsque je suis arrivée, en avance, il ne restait plus que quelques places assises. Au final le public était nombreux pour écouter monsieur Marielle. Public assez crispant d'ailleurs, du moins pour sa partie expressive: les gens qui ont posé des questions ou sont intervenus étaient assez pénibles, comme persuadés de détenir la vérité sur Jean-Pierre Marielle, et comme si cela revêtait une importance capitale. Ils étaient à fleur de peau, manifestement en recherche d'une reconnaissance qui m'a mise mal à l'aise.

Alors que lui, il était bien loin de tout cela.

D'abord, monsieur Marielle est un vieux monsieur. Et dur de la feuille. Il n'a donc pas entendu les questions ou les interventions hors micro.
Ensuite, il n'avait d'yeux que pour son épouse. Et il n'a donc pas vu l'agitation de ses fans sautillants.
Enfin, il ne se prend pas assez au sérieux pour accorder de l'importance à ce genre de choses.

Son livre, Le grand n'importe quoi, présente "l'inventaire d'une vie, entre nécessités et passions, vifs contentements et déceptions", au fil de conversations avec son gendre et organisées par ordre alphabétique: de "âge" à "zut".
Je ne suis pas habituée à ce type d'ouvrage, espèce d'autobiographie partielle. Lire la vie de quelqu'un à l'"existence imprévue" est toujours intéressant, et la retenue dont Jean-Pierre Marielle fait preuve rend la lecture agréable, même si elle n'est pas marquante.

Quelques extraits de son livre, mêlés à quelques réflexions lors de sa venue:
"Lorsque nous ne faisons pas de conneries de notre propre chef, la nature s'en mêle."

"Instinctivement, je refuse ; ensuite, j'envisage de revenir sur la décision."
"Je n'ai pas fait carrière, j'ai fait des rencontres."

"Suggérer d'emblée qu'on nous foute la paix est la meilleure stratégie pour ne laisser venir à nous que les plus opiniâtres, les meilleurs. Cette distance hérisse de piques notre bulle, pour tenir en respect les inquiétudes et les importuns."
"J'ai hésité à appeler mon fils Ingmar ou Bergman, alors au final je l'ai appelé François. Comme Villon; ce n'est pas si mal!"

"J'aime autant être seul que rencontrer des gens (...) Je suis un misanthrope mondain, un solitaire bavard."

"Je ne sais pas jouer du saxo ténor, alors je me contente de faire le clown."

"Je hais les optimistes (...) Les gens qui vont bien, qui le proclament fièrement sans cesse, me désolent. Je ne peux leur accorder ma confiance: ils ont trop à perdre pour être fidèles et honnêtes."

Alors que je partais, une admiratrice demande à Jean-Pierre Marielle: "Vous incarnez tellement intensément vos personnages, combien vous faut-il de temps pour sortir de votre rôle?"
Marielle regarde dans sa direction, sourit aimablement et répond, de son incroyable voix: "Oh , chère madame, quand je passe la porte du studio, je pense à autre chose."

dimanche 5 décembre 2010

L'institut de remise à l'heure des montres et des pendules

L'achat de ce livre a déjà été une expérience amusante car le libraire a cru à une plaisanterie de mon amie lorsqu'elle a passé commande pour moi, tant il est vrai que le titre du roman et le nom de l'auteur semble "inventés"...
La lecture n'en est pas aisée, le style exubérant aux phrases complexes nécessitant de s'accrocher au texte. Hayri Irdal, le héros, me semble un frère de Mangeclous et le récit de la création de l'Institut de remise à l'heure des montres et des pendules rappelle les tribulations des Valeureux face à la SDN. Tanpinar en profite pour dresser une galerie de personnages exentriques et savoureux : Halit le Régulateur, le docteur Ramiz, Abdüsselam Bey, Nouri Efendi l'Horloger et beaucoup d'autres.

Amateur de montres mécaniques, je ne suis pas resté insensible au sujet - prétexte du roman : la nécessité d'avoir des montres et pendules bien à l'heure pour ne pas perdre de temps qui aboutit à la création d'un institut semi-officiel chargé de mettre à l'amende les possesseurs de montres et d'horloges en retard ! Cette idée amusante est l'occasion de quelques magnifiques pages sur les montres ou le temps :

" Le bruit de la montre était pour eux semblable au murmure de l'eau dans la fontaine aux ablutions de la mosquée, c'était presque le son de l'éternité pour leur monde intérieur. Elle avait un bruit bien à elle et des qualités particulières qui se déployaient des côtés de la vie. D'une part, elle déterminait notre présence aujourd'hui ainsi que nos devoirs tandis que de l'autre elle proposait la félicité éternelle à laquelle nous aspirons toujours, ses chemins immaculés".

"C'était pourtant une belle pièce. Elle avait un rythme bien à elle, ne s'occupant de personne, folâtrant comme un cheval de somme ayant faussé compagnie à son attelage, perdue dans ses pensées. Selon quel calendrier avançait-elle, quelle année poursuivait-elle, qu'attendait-elle des jours entiers et puis soudain quel évènement secret et important annonçait-elle de sa voix lente, sourde, occupant tout l'espace ? Nous n'en avions aucune idée. Car cette horloge indépendante n'admettait ni réglage ni réparation"

"En fait il ne faisait pas de différence entre l'homme et la montre. Souvent il disait : "le Tout - Puissant a créé l'homme à son image ; et l'homme a inventé la montre afin quelle lui ressemble..." Et il approfondissait parfois en ces termes : "la montre elle-même est espace, sa marche est le temps et son réglage est l'homme... Ce qui prouve encore que le temps et l'espace coexistent en l'homme ! ""

" Songez, Hayri Irdal, songez mon bon ami, à ce qu'impliquent ces paroles ! Cela revient à dire qu'une horloge bien réglée n'avance pas même d'une minute. Et pourtant, que faisons - nous ? Que fait l'ensemble de la ville et le pays tout entier ? Nous perdons la moitié du temps avec de pendules déréglées. Si chacun quotidiennement perdait une minute par heure, alors nous perdrions dix-sept millions de minutes à l'heure. Si nous considérons que la partie vraiment utile de la journée est constituée de dix heures, cela fait cent quatre - vingt millions de secondes. Autant dire trois millions de minutes par jour et nous perdons ainsi cinquante mille heures par jour. (...) Une déperdition à vous rendre fou... Une perte de temps dans nos travaux, nos vie et notre vie économique.Tu comprends mieux maintenant la grandeur de Nouri Efendi, son génie ? C'est grâce à lui que nous dépasserons cette perte. Et c'est là que réside l'aspect vraiment utile de notre institution..."


Je n'ai pas terminé ce roman encore, mais je voulais en parler déjà.

jeudi 2 décembre 2010

Manchette ou Rio ?

En lisant "La position du tireur couchée" de Jean - patrick Manchette, j'ai un moment eu un sentiment de déjà vu... L'histoire de ce tueur à gage voulant décrocher et dont l'amour pour une femme va entrainer sa perte m'a rappelé "Faux pas" de Michel Rio.
Dans les deux cas, l'intrigue est simplicime et le propos assez sombre. Mais Rio a écrit un roman intemporel dont l'objet est de rendre compte des état d'âme d'un monstre social tandis que Manchette place son action dans les années 70, en pleine guerre froide.Je n'ai pas adhéré au soubassement géopolitique de l'intrigue de Manchette et je trouve qu'elle nuit au roman.
Christian, le héros de Manchette, subit les évènements tandis que "l'inconnu" de Rio mène le jeu. C'est que Manchette a signé un roman qui réfléchit sur la société tandis que Rio analyse l'individu.
Et puis la fin... la fin du livre de Manchette m'a paru ridicule, avec cette répétition générationnelle tandis que la fin du livre de Rio est simple et semble s'imposer de soi.

mercredi 1 décembre 2010

Portraits d'écrivains





La maison Victor Hugo située place des Vosges, à Paris, propose une exposition regroupant 200 photographies d'écrivains, entre 1850 et aujourd'hui.
Dans le même temps, la maison d'édition Anabet a proposé une exposition de 100 portraits d'auteurs regroupés ensuite dans un ouvrage : 40 ans de rentrée littéraire.

lundi 29 novembre 2010

Comment parler des livres que l'on n'a pas lu ?

Sous ce titre provocateur, Pierre Bayard mène une réflexion sur le rôle social de la lecture et du livre. Une réflexion assez convenue, mais qui offre l'avantage de mettre des mots sur des intuitions que chaque lecteur (et donc non-lecteur selon l'auteur) a déjà ressenties.
Selon lui, lire, c'est oublier et surtout lire un livre, c'est ne pas en lire d'autres et donc faire un acte de non-lecture...Bof, bof !
J'ai trouvé plus intéressant ses analyses des différentes bibliothèques auxquelles se confrontent le lecteur : bibliothèque collective (les livres qu'il faut parfois faire semblant de connaitre pour faire partie du groupe), la bibliothèque intérieure (contenant des livres transformés par une lecture subjective ou des informations extérieures), la bibliothèque virtuelle qui serait la collision de plusieurs bibliothèques personnelles et comprendrait surtout des livres - écrans dont chacun peut parler en restant compréhensible.
Je partage l'avis selon lequel il est devenu facile, avec l'essor des moyens de communications, de parler assez sérieusement d'un livre sans l'avoir pour autant lu, ou même ouvert. Mais je n'en vois pas l'intérêt.
J'avoue avoir lu en diagonale cet ouvrage à l'écriture parfois laborieuse (l'annonce du plan du livre m'a rappelé mes dissertations d'autrefois !)et avoir renoncé à l'épilogue.
Un fait marquant pour moi : j'ai appris grâce à ce livre que Montaigne avait des soucis de mémoire et inscrivait ses impressions sur ses lectures à la fin des ouvrages. Si Montaigne avait eu accès à internet, nul doute qu'il eût tenu un blog de lecture, pour s'en souvenir.

jeudi 18 novembre 2010

Notes de lecture

La lecture de Des bibliothèques pleines de fantômes m'a donné envie de lire beaucoup d'autres livres :
- Comment parler des livres que l'on n'a pas lu ? de Pierre Bayard,
- Les neurones de la lecture de Stanilas Dehaene,
- La Sumida de Nagaï Kafû,
- Pan de Knut Hamsun,
- Institut de remise à l'heure des montres et des pendules de Ahmet Hamdi Tanpinar,
- Pour une bibliothèque idéale de Raymond Queneau,
- Les livres de ma vie de Henry Miller,
- Notes de chevet de Sei Shônagon,
- Tant qu'il y aura des livres de Laurence Santantonios,
- Mes bibliothèques de Varlam Chalamov,
- Auto - da - fé d'Elias Canetti,
- La maison en papier de Carlos Mario Dominguez,
- Manuel de bibliophilie de CHristian Galantaris.

J'y ai aussi collecté certaines citations qui donnent à réfléchir :
- "Si Dieu existait, il serait une bibliothèque" (Umberto Ecco)
- "Le paradis n'est-il pas une immense bibliothèque ?" (Gaston Bachelard)
- "Que m'importe ces livres innombrables et ces bibliothèques, dont les propriétaires, toute leur vie durant, ont à peine lu les étiquettes." (Sénèque)
- "Il est bien rare qu'un mauvais livre n'ait pas un mérite quelconque pour un homme instruit" (Pline l'Ancien)
-"C'est chez Alexandre Dumas que j'ai mangé mes meilleures omelettes au lard" (Jacques Laurent)
-"Mais, comme les musées, les bibliothèques sont un refuge contre le vieillissement, la maladie, la mort." (Jean Grenier)
- "En vérité une bibliothèque, quelle que soit sa taille, n'a pas besoin pour être utile qu'on l'ait lue entièrement ; chaque lecteur profite d'un juste équilibre entre savoir et ignorance, souvenir et oubli". (Alberto Manguel)

Et j'y ai lu deux anecdotes surprenantes:
- l'histoire d'un condamné à mort sous la Terreur, lisant un livre dans la charrette le conduisant à l'échafaud et marquant la page où il en était avant de monter vers la guillotine...
- la fin du compositeur Charles - Valentin Alkan, écrasé durant son sommeil par une bibliothèque décrochée du mur.

Et je sais enfin ce que sont les fantômes dans les bibliothèques...

mardi 16 novembre 2010

De bien belles mémoires











Hier soir, j'ai reçu un magnifique cadeau (un de plus !) : les Mémoires de Casanova en deux volumes, illustrées par Brunelleschi et éditées en 1955 par le libraire Gibert Jeune.

samedi 13 novembre 2010

Qu'a lu Borges ?


Deux archivistes de la Bibliothèque Nationale de Buenos Aires ont analysé les cinq cents livres que Borges lui avait légués. De cet examen minutieux, Laura Rosato et German Alvarez ont tiré un livre Borges, libros y lecturas,malheureusement non traduit à ce jour.
Qu'apprend - t'on du lecteur Borges à la lecture de ce livre ? (ou plutôt d'un article du quotidien La Nacion, repris en français dans le mensuel Books)
Que Borges lisait rarement un livre en entier ! Qu'il ne soulignait pas les passages intéressants mais les recopiait dans les marges.
Il lisait essentiellement des livres en allemand et en anglais, de la poésie et des essais.
Borges lisait pour écrire, d'où son goût pour les encyclopédies et la lecture fragmentaire.
Borges ne recherchait pas les éditions originales ou à tirage limité. Il ne se sentait pas tenu de lire les livres dans leur langue originale, même quand il la connaissait.
Ce Borges lecteur n'est pas celui que j'imaginais lorsque j'essayais vers 18 ans de recenser toutes les œuvres qu'il avait pu lire au travers du filtre de ses propres écrits. Je suis très frustré de ne pas pouvoir lire Borges, libros y lecturas, ne connaissant pas l'espagnol. Mais sans doute vais-je tout de même l'acheter.

mercredi 3 novembre 2010

De XXI à Usbeck & Rica





Ces deux magazines d'information sont des trimestriels assez similaires dans la forme, mais complémentaires dans le fond.
XXI traite du présent politique, social ou culturel à la manière des grands reporter comme Kessel ou Londres. Les longs articles sont complétés par un récit graphique et un cahier de photographies. La revue en est à son douzième numéro.
Usbeck & Rica s'inspire nettement de son ainé dans la forme : articles longs, bande dessinée et cahier photo sont au rendez-vous. Mais si Usbeck & Rica aborde le présent, c'est pour mieux réfléchir à l'avenir et à l'évolution de nos sociétés.
Les deux magazines se vendent au même prix de 15 euros, justifiés par l'absence de publicité et la richesse du contenu.

lundi 1 novembre 2010

Des lectures à l'infini



Cette bibliothèque est une création de l'artiste Job Koelewijn, exposée en 2006 en compagnie de quatre autres "sculptures" monumentales.
Elle est magnifique et me fait penser à la bibliothèque de Babel de Borges.

jeudi 28 octobre 2010

Des expériences intéressantes

Voici les liens vers les bibliothèques virtuelles reconstituées d'auteurs ou de personnalités :

- Marie - Antoinette : http://www.librarything.com/catalog/MarieAntoinette
- Robert E Howard : http://www.librarything.com/profile/RobertEHoward
- Kafka : http://www.librarything.com/profile/Franz_Kafka

Et certaines en cours d'élaboration :

- Jean, duc de Berry : http://www.librarything.com/catalog/Jean_Duc_de_Berry
- Gustave Flaubert : http://www.librarything.com/catalog/GustaveFlaubert
- James Joyce : http://www.librarything.com/profile/JamesAJoyce
- C.S lewis : http://www.librarything.com/profile/JamesAJoyce
- Montaigne : http://www.librarything.fr/catalog/micheldemontaigne
- Leonard de Vinci : http://www.librarything.com/catalog/LeonardodaVinci

mercredi 27 octobre 2010

Un très beau texte sur l'histoire et le roman historique

C'est tiré de l'Avant-propos de Gaule & France d’Alexandre Dumas, publié en 1833.

"L’histoire de France, grâce à messieurs Mézeray, Vély, et Anquetil, a acquis une telle réputation d’ennui, qu’elle en peut disputer le prix avec avantage à toutes les histoires du monde connu : aussi le roman historique fut-il chose complètement étrangère à notre littérature jusqu’au moment où nous arrivèrent les chefs-d’œuvre de Walter Scott. Je dis étrangère, car je ne présume pas que l’on prenne sérieusement pour romans historiques le Siège de la Rochelle, de madame de Genlis, et Mathilde, ou les Croisades, de madame de Cottin. Jusqu’à cette époque nous ne connaissions donc réellement que le roman pastoral, le roman de mœurs, le roman d’alcôve, le roman de chevalerie, le roman de passion, et le roman sentimental. L’Astrée, Gil Blas, le Sofa, le petit Jehan de Saintré, Manon Lescaut, et Amélie Mansfield, furent les chefs-d’œuvre de chacun de ces genres.
Il en advint que notre étonnement fut grand en France lorsque, après avoir lu Ivanhoe, le Château de Kenilworth, Richard en Palestine, nous fûmes forcés de reconnaître la supériorité de ces romans sur les nôtres. C’est que Walter Scott aux qualités instinctives de ses prédécesseurs joignait les connaissances acquises, à l’étude du coeur des hommes la science de l’histoire des peuples ; c’est que, doué d’une curiosité archéologique, d’un coup d’œil exact, d’une puissance vivifiante, son génie résurrectionnel évoque toute une époque, avec ses moeurs, ses intérêts, ses passions, depuis Gurth le gardien de pourceaux jusqu’à Richard le chevalier noir, depuis Michaël Lambourn le spadassin, jusqu’à Elisabeth la reine régicide, depuis le chevalier de Léopard jusqu’à Sallah-Eddin le royal médecin : c’est que sous sa plume enfin, hommes et choses reprennent vie et place à la date où ils ont existé, que le lecteur se trouve insensiblement transporté au milieu d’un monde complet, dans toutes les harmonies de son échelle sociale, et qu’il se demande s’il n’est pas descendu par quelque escalier magique dans un de ces univers souterrains comme on en trouve dans les Mille et une Nuits.

Mais nous ne nous rendîmes point ainsi tout d’abord, et nous crûmes longtemps que cet intérêt inconnu que nous trouvions dans les romans de Walter Scott tenait à ce que l’histoire d’Angleterre offrait par ses évènements plus de variétés que la nôtre. Nous préférions attribuer la supériorité que nous ne pouvions nier à l’enchaînement des choses, plutôt qu’au génie de l’homme. Cela consolait notre amour-propre, et mettait Dieu de moitié dans notre défaite. Nous étions encore retranchés derrière cet argument, nous y défendant du moins mal qu’il nous était possible, lorsque Quentin Durward parut et battit en brèche le rempart de nos paresseuses excuses. Il fallut dès lors convenir que notre histoire avait aussi ses pages romanesques et poétiques ; et, pour comble d’humiliation, un Anglais les avait lues avant nous, et nous ne les connaissions encore que traduites d’une langue étrangère. Nous avons le défaut d’être vaniteux ; mais en échange nous avons le bonheur de ne pas être entêtés : vaincus, nous avouons franchement notre défaite, par la certitude que nous avons de rattraper quelque jour la victoire.

Notre jeunesse, que les circonstances graves de nos derniers temps avaient préparée à des études sérieuses, se mit ardemment à l’œuvre ; chacun s’enfonça dans la mine historique de nos bibliothèques, cherchant le filon qui lui paraissait le plus riche ; Buchon, Thierry, Barante, Sismondi et Guizot en revinrent avec des trésors qu’ils déposèrent généreusement sur nos places publiques, afin que chacun pût y puiser. Aussitôt la foule se précipita sur le minerai, et pendant quelques années il y eut un grand gaspillage de pourpoints, de chaperons et de poulaines ; un grand bruit d’armures, de heaumes et de dagues ; une grande confusion entre la langue d’Oil et la langue d’Oc : enfin du creuset de nos alchimistes modernes sortirent Cinq-Mars et Notre-Dame de Paris, deux lingots d’or pour un monceau de cendres.
Cependant les autres tentatives, tout incomplètes qu’elles étaient, produisirent du moins un résultat, ce fut de donner le goût de notre histoire : mauvais, médiocre ou bon, tout ce qui fut écrit sur ce sujet fut à peu près lu, on se figura que l’on connaissait aussi leurs chroniques. Chacun alors passa de la science de l’histoire générale au désir de connaître l’histoire privée : cette disposition d’esprit fut habilement remarquée par les Ouvrards littéraires : il se fit aussitôt une immense commande de mémoires inédits ; chaque époque eut son Brantôme, sa Motteville et son Saint-Simon ; tout cela se vendit jusqu’au dernier exemplaire : il n’y eut que les Mémoires de Napoléon qui s’écoulèrent difficilement : ils arrivaient après la Contemporaine.

L’école positive cria que tout cela était un grand malheur ; qu’on n’apprenait rien de réel ni de solide dans les romans historiques et avec les mémoires apocryphes ; que c’étaient des branches fausses et bâtardes qui n’appartenaient à aucun genre de littérature, et que ce qui restait de ces rapsodies dans la tête de ceux qui les avaient lues ne servait qu’à leur donner une idée inexacte des hommes et des choses, en les leur faisant envisager sous un faux point de vue ; que d’ailleurs l’intérêt dans ces sortes de productions était toujours absorbé par le personnage d’imagination, et que, par conséquent, c’était la partie romanesque qui laissait le plus de souvenirs. On leur opposa Walter Scott, qui certes a plus appris à ses compatriotes de faits historiques avec ses romans que Hume, Robertson et Lignard avec leurs histoires : ils répondirent que cela était vrai, mais que nous n’avions rien fait qui pût se comparer à ce qu’avait fait Walter Scott ; et sur ce point ils avaient raison : en conséquence, ils renvoyaient impitoyablement aux chroniques mêmes ; et sur ce point ils avaient tort. À moins d’une étude particulière de langue, que tout le monde n’a pas le temps de faire, et qui cause une fatigue que les hommes spéciaux ont seuls le courage de supporter, nos chroniques sont assez difficiles à lire depuis Villehardoin jusqu’à Joinville, c’est -à-dire depuis la fin du douzième siècle jusqu’à la fin du quatorzième.
(…)
Le lecteur se trouve, par conséquent, enfermé entre l’histoire proprement dite, qui n’est qu’une compilation ennuyeuse de dates et de faits rattachés chronologiquement les uns aux autres ; entre le roman historique, qui, à moins d’être écrit avec le génie et la science de Watler Scott, n’est qu’une lanterne magique sans lumière, sans couleur et sans portée, et enfin entre les chroniques originales, source certaine, profonde et intarissable, mais d’où l’eau sort si troublée qu’il est presque impossible à des yeux inhabiles de voir le fond à travers les flots.
(…)
La grande difficulté, selon nous, est de se garder de ces deux fautes, dont la première, nous l’avons dit, fut de maigrir le passé comme l’a fait l’histoire, et la seconde de défigurer l’histoire comme l’a fait le roman."

lundi 25 octobre 2010

Des bibliothèques en vidéo





J'ai trouvé une série de vidéos présentant des interviews de "personnalités" présentant leur bibliothèque. J'en ai sélectionné deux : Frédéric Diefenthal et Anny Duperey.

dimanche 17 octobre 2010

Une histoire du Japon


Après lecture d'un article sur ce blog, j'ai envie d'acheter et lire la Nouvelle histoire du Japon de Pierre-François Souyri paru en septembre chez Perrin.

Le souffle d'autrefois



Il y a quelque chose d'ironique à ce que je lise Le grand périple d'Esculape de Horia Stancu, alors que je suis quasi immobilisé par un terrible mal de dos !
Ce roman de la collection Plein Vent narre les aventures du médecin grec à travers l'Egypte, l'Afrique, le Moyen Orient et la Turquie. Car dans ce livre, Esculape est un homme, et non un dieu.
Sa lecture m'a rappelé mon enfance, lorsque j'empruntais les ouvrages de cette collection, chaque semaine, à la bibliothèque du village voisin. Mais ce roman n'est pas seulement pour les enfants et l'adulte que je suis devenu y a trouvé son compte. Esculape porte un regard désabusé sur les hommes de son temps, leur bêtise et leurs passions. Et sa quête absolu de savoir est émouvante.
Une lecture rapide (il faut dire que je ne peux presque rien faire d'autre) mais enrichissante.

jeudi 14 octobre 2010

Ouragan

Je viens de terminer la lecture de ce roman de Laurent Gaudé, publié chez Actes Sud. C'est un livre formidable.
Il m'a plusieurs fois appelée, cet Ouragan, depuis la table sur laquelle il était exposé. D'abord sa couverture m'a frappée, un jeune femme noire, magnifique, tête baissée et les cheveux dressés. Le titre aussi, bref et terrible. Puis le quatrième de couverture m'a attrapée: "une dizaine de personnages qui se croisent ou se rencontrent": j'adore les histoires où tout s'entremêle, ou le hasard bringuebale chacun. Là, l'action se déroule pendant l'ouragan qui a détruit et inondé la Nouvelle Orléans.
L'écriture m'a plu par sa fausse simplicité et sa terrible efficacité. Ce roman est violent, à tous égards. L'auteur ne se préoccupe pas de ce que pourrait souhaiter le lecteur: il va au bout de ce qu'il a décidé. Quitte à rendre la lecture douloureuse.
On suit donc plusieurs personnages, dont certains m'ont naturellement plus parlé que d'autres: Joséphine, que sa fierté rend si majestueuse, qui porte en elle et avec elle l'histoire des Noirs de la Nouvelle Orléans et d'ailleurs, que je pourrais reconnaître dans la rue si je la croisais, tant j'ai l'impression de l'avoir accompagnée. Et puis il y a Keanu et sa douleur d'homme, magnifique dans son authenticité, enfin ouvert à la vie, éclairé subitement. Et Rose, bouleversante. Ne serait-ce que pour rencontrer Rose, il faut lire ce livre. Rose et cet enfant qu'elle rejette silencieusement, profondément, tristement, mais qu'elle aime pourtant sans condition. Rose qui s'est égarée et n'attend rien. Rose qui vit parce qu'il le faut bien.
Trop de passages du roman m'ont marquée pour que je les retranscrive tous. En voici quelques-uns, ceux qui aujourd'hui me semblent les plus aigus. Probablement ces extraits ne peuvent-ils parler à celui qui connaît le le roman (ou qui me connaît moi) , mais tant pis.
"Il est beau - non pas qu'il soit parfait, mais il a cette force puissante qui rend un homme indéracinable."
"Il l'a prise dans ses bras pour qu'elle arrête de marcher et de tourner et il lui a dit qu'ils allaient le retrouver."
"(...) il la voit qui pleure doucement mais il poursuit son récit, il sait qu'elle comprend qu'elle est en train de répondre à sa question, d'y répondre comme il ne l'a jamais fait et c'est peut-être aussi pour cela qu'elle pleure, de la violence des images qu'il évoque mais aussi de la beauté du cadeau qu'il lui fait, il sent qu'elle est avec lui, dans ce récit, (...)"
"O le long baiser qui dure et soulève les vies, balaie la poussière de nos errances. (...) O le long baiser qui ne s'arrête que pour recommencer et qui cloue la nuit au silence."

samedi 9 octobre 2010

Une partie de la bibliothèque de Borges retrouvée !


Un poème inconnu de Jorge Luis Borges et près de 800 livres souvent annotés de sa main ont été découverts à la Bibliothèque nationale de Buenos Aires. Ces livres sont issus d'un don de l'écrivain lors de sa mise à la retraite par le général Juan Perón, en 1973, et ils ont dormi jusqu'ici. Cette collection est particulièrement précieuse car elle contient des plans de futurs ouvrages et des commentaires en marge, ainsi qu'un poème atypique de Borges.

Si cela vous intéresse, suivez ce lien :

http://www.revuerectoverso.com/spip.php?article65

La bibliothèque de Marilyn



Je suis curieux des bibliothèques des gens, qu'ils soient célèbres ou non. En feuilletant le livre des écrits intimes de l'actrice qui vient de sortir au Seuil, je suis tombé sur un passage concernant sa bibliothèque :
""Dans la journée, je gagnais ma vie avec des petits rôles dans les films. Je suivais des cours d'histoire de la littérature et d'histoire de ce pays; je lisais beaucoup, de grands écrivains."Sa bibliothèque compte plus de 400 livres, des classiques (Milton, Dostoïevski, Whitman) aux contemporains (Hemingway, Beckett, Kerouac)."
Sur les photos qui illustrent le livre, on peut la voir lire du Heinrich Heine, du Joyce, un essai sur Goya, du Arthur Miller. On la voit en compagnie de Truman Capote, Carson McCullers et Karen Blixen.
J'ai eu, comme beaucoup, une passion adolescente pour Marilyn Monroe. J'apprécie certains de ses films et certaines de ses chansons. Ce recueil de textes de sa main devrait me permettre de saisir un peu sa pensée.

je rajoute ici un lien vers un blog recensant les livres de Marilyn vendus aux enchères :
http://www.booktryst.com/2010/10/marilyn-monroe-avid-reader-writer-book.html

mardi 5 octobre 2010

Avec vue sur la chambre

Mon bibliothécaire particulier m'a offert un petit livre de chez Chomant : Avec vue sur la chambre, d'Emmanuelle Halgand.
J'aime toujours autant leurs livres, en tant qu'objets; je n'y reviens pas car j'en ai déjà parlé pour La tâche d'encre...
Il n'y a pas vraiment d'histoire. On accompagne une jeune femme au fil des pages, dans son quotidien, les hauts et les bas de ses amours, de sa vie. L'auteur se réfère beaucoup à ses sensations, et c'est d'ailleurs pour cela que ce livre m'a été offert car ce sont mes sens qui me guident, parfois qui me dominent.
C'est amusant comme certaines remarques ont fait écho en moi, alors que des chapitres entiers me sont restés étrangers. Ce n'est pas une lecture inoubliable, mais elle m'a plu: j'ai découvert un autre univers, typiquement féminin, et plusieurs fois j'ai souri de me reconnaître, de lire des pensées intimes, parfois secrètes, dépourvues de sens, irrationnelles ou parfaitement terre à terre, mais manifestement communes à bien des femmes.
Le sous-titre est "Chronique hédoniste". Je n'ai pas trouvé cette femme vraiment hédoniste. Elle ressent, elle abuse parfois, mais elle prend aussi soin de l'autre et n'est pas entièrement tournée vers elle-même.
Ou bien ai-je mal compris ce qu'est l'hédonisme?

dimanche 19 septembre 2010

Un quai, des livres

Nous sommes allés nous promener sur les quais de la Seine ce matin, pour voir les étals des bouquinistes et des particuliers à l'occasion de la manifestation "Quai des livres".
la moisson fut bonne, entre de vieux papiers (un acte de vente de 1696 et une correspondance du XIXe), un recueil de fac-similé de 56 dessins de Léonard de Vinci de 1928 et une bonne dizaine de livres divers et variés.

mercredi 15 septembre 2010

En attendant Owen

Je relis L'œuvre au noir en attendant mon fils qui manipule l'argile dans la pièce à côté.
J'ai revu hier soir le film de Delvaux dont je n'avais gardé que des impressions depuis son passage à la télévision à la fin des années 80.C'est un très bon film, intelligent et esthétique. Avec le DVD, on trouve un livret qui contient des extraits de la correspondance entre le réalisateur et l'écrivain. C'est une lecture passionnante.
Mon fils pétrit, je retourne à ma lecture...

mardi 20 juillet 2010

Souvenirs (3)




De passage chez un bouquiniste de ma région, perdu en pleine campagne, j'ai retrouvé trois tomes de la collection de romans historiques pour adolescents que je lisais dans mon enfance, en les empruntant à la bibiothèque municipale du village voisin du mien.
Il s'agit de la collection "Plein vent" de chez Robert Laffont, qui publia cette série entre 1966 et 1992.
J'ai ainsi récupéré "Amaury chevalier cathare"de Michel Grimaud, "Va dire à Sparte" de Roderick Milton et "Le soleil d'Olympie" de Jean Séverin. Ces livres plairont-ils à mes enfats ou à ceux de mon amie ?

dimanche 4 juillet 2010

Pourquoi faut-il lire Connelly ?

Michael Connelly est un auteur de roman policier à succès, inspirant le cinéma. Parmi ses livres, ceux mettant en scène l'inspecteur Harry Bosch ont ma préférence.
Je crois que ce que j'aime chez Connelly, c'est l'approche réaliste de ses romans qui vient de son passé journalistique. Il a travaillé pour divers journaux (dont le Los Angeles Times)pour lesquels il a produit des chroniques judiciaires. Certaiens ont été regroupées dans le recueuil "Les chroniques du crime" paru au Seuil.
Les enquêtes de Bosch se déroulent à Los Angeles, une ville que Connelly connait bien. Il a d'ailleurs fait paraitre un DVD dans lequelle il fait visiter les lieux sensibles de ses romans ("Blue neon night").
La carrière romanesque de Bosch se déroule pour le moment de 1992 à 2009 au sein de 14 romans (dont 13 ont été traduits) mais son auteur l'a fait intégrer le LAPD en 1972.
J'aime le regard pessimiste et désabusé que porte Bosch sur la ville et la société et je trouve le style de Connelly précis, fluide et sans fioriture.

mercredi 16 juin 2010

L'oeuvre au noir, encore

Je parlais de mon envie de relire l'Oeuvre au noir de Yourcenar il y a quelques temps et j'évoquais le film d'André Delvaux avec l'acteur Gian-Maria Volonte dans le rôle principal. Or c'est avec plaisir que j'ai découvert que le film allait sortir en DVD au mois d'août. Il rejoindra alors ma DVDthèque aux côtés des Nuits Révolutionnaires que j'aurais d'ici là fait passer de vieilles VHS sur DVD.

mercredi 5 mai 2010

Un livre vite lu



J'ai terminé La librairie des ombres. J'ai lu ce livre rapidement parce qu'il n'est pas d'une très haute tenue, mais aussi parce qu'il m'a intéressé. Il est cependant regrettable que les bonnes idées du début (les pouvoirs liés à la lecture) donnent lieu à une fin prévisible et assez décevante. Cependant, ce livre m'a fait passé un bon moment et puis c'est un cadeau.

lundi 19 avril 2010

Borges réédité en Pléiade

Je n'osais l'espérer mais c'est chose faite : les deux tomes des oeuvres complètes de Borges vont resortir en édition de la Pléiade. Merci à Pierre Assouline pour l'information.L'occasion pour moi de me procurer le tome 2 qui me manquait !

dimanche 11 avril 2010

L'heure de pointe

Le titre complet est L'heure de pointe : Roman en quatorze lignes. Je l'ai lu aujourd'hui, accrochée par les histoires au fil des lignes de métro. C'est un petit livre, facile à lire mais bien écrit, simplement. Le lecteur suit des inconnus et leurs petites ou grandes histoires, passant d'une émotion à une autre. J'ai été émue, touchée, intriguée, enflammée, j'ai même eu quelques larmes. Je n'ai pas aimé certains chapitres. Peu, cela dit : un ou deux, peut-être trois. Je ressors de ma lecture cette impression délicieuse que je recherchais dans le nouveau Paul Auster et qu'aucun Paul Auster ne m'a apporté depuis longtemps : l'impression de vivre aussi parmi mes semblables ; parfois, tragiquement et vaniteusement, j'ai le sentiment d'être dans un monde peuplé d'un très grand nombre d'imbéciles, dénués d'émotions, incapables de profondeur, juste tournés vers eux-mêmes et l'immédiateté.
Heureusement, ce n'est pas aussi simple. Ni aussi déprimant.

"Avouons-le, nous en mourons d'envie. Nous aimerions savoir d'où viennent tous ces gens, où ils vont, ce qu'ils font, quel est leur mystère...(...) Oui, qu'on nous raconte des histoires, comme lorsque nous étions enfants, qu'on nous offre un peu de rêve pour oublier tous ces mots creux et ces paroles vaines qui se déversent en permanence sur nous."

Comme j'aime lire...

Invisible

Tel est le titre du dernier Paul Auster. Impossible bien sûr de ne pas se précipiter et de le lire en priorité, question de fidélité.
J'ai plein de choses à en dire, et je n'en écrirai aucune, en tout cas pour le moment : je gâcherais la surprise du bilbiothécaire qui, lui, ne l'a pas encore lu.
Alors chuuuuuuuuuuut, je garde tout au chaud dans ma tête.

samedi 10 avril 2010

Quelques achats

Le jour de Pâques, je me suis rendu dans une foire à tout géante où j'ai déniché quelques livres intéressants :
- Ma jeunesse par Jules Michelet, édition Gedalge
- Oeuvres de A. de Musset, Charpentier éditeur.
Les deux ouvrages sont du XIXe siècle et ornés de gravures.
- Les chemins à travers les âges en Cévennes et Bas languedoc, de Pierre A. Clément, aux Presses du Languedoc.

Déceptions

Cela m'arrive rarement, mais j'ai été déçu trois fois de suite dans mes récentes lectures :
- la pièce de théâtre "l'un de nous deux",dont l'excellente idée n'a pas été suffisament développée à mon goût ;
- le dernier Manguel, "Tous les hommes sont des menteurs", que j'ai trouvé plutôt verbeux et lourd dans son propos ;
- le second tome de la bande dessinée "Lulu femme nue", singulièrement bâclée dans la conduite du récit.

samedi 27 mars 2010

Une belle surprise









Commencé en 1783, achevé d'imprimer " à la maison " en 1797, Monsieur Nicolas ou le cœur humain dévoilé est une œuvre vie. Celle d'un ancien ouvrier imprimeur devenu auteur sans être jamais totalement reconnu par ses pairs et la société de son temps. Ce livre fleuve est la réécriture d'une existence hantée par la paternité et l'inceste. Mais il est aussi un précieux témoignage sur la vie rurale et sur l'imprimerie au XVIIIe siècle, ainsi que l’exposé d'une philosophie particulière et parfois atypique.
Ce livre m’a été offert ce matin, très tôt, par la femme qui partage maintenant ma vie et cette bibliothèque. Il s’agit de l’édition du cent cinquantenaire, datée de 1956. Elle se compose de 4 volumes sous coffrets, ornés de lithographies de Suzanne Ballivet. L’objet est magnifique et je ne sais comment exprimer le plaisir de détenir aujourd’hui un texte que je recherche depuis des années.
Ma rencontre avec Restif de la Bretonne remonte à 1989, lors de la diffusion du téléfilm des Nuits révolutionnaires, avec dans le rôle titre Michel Aumont. J’ai ensuite lu ses œuvres au hasard de mes découvertes chez les bouquinistes ou libraires anciens.
Le personnage de l’auteur me fascine, même si je ne lui trouve pas un très grand style. Mais son œuvre regorge de faits et d’anecdotes sur ce XVIIIe siècle finissant, une période qui m’attire et me répugne à la fois.

mercredi 10 mars 2010

En finir avec BHL ?

Pour se faire une idée de la rigueur et de l'intégrité de l'essayiste Bernard - Henry Lévy, je vous invite à lire ce dossier du Monde Diplomatique, en sachant tout de même que ce périodique est accusé par le même essayiste d'être un outil de désinformation...
Quand arrêtera-t-on de lire (c'est peut-être déjà fait, cela dit)et de publier cet homme qui se prétend un intellectuel français ?

lundi 8 mars 2010

L'un de nous deux

Je viens de terminer cette pièce de théâtre. Je ne peux m'empêcher d'être un peu déçu. Le livre est trop court et surtout, il demande une bonne connaissance de la politique française de l'entre - deux guerres pour en profiter pleinement.
J'y ai toutefois trouvé une réflexion sur la politique, la liberté individuelle ou le pouvoir. Et j'ai retenu quelques citations :

Blum : "Il pensait, au fond, comme Valéry, que l'homme seul est en mauvaise compagnie."
Mandel : "Mais non, mais non, ce n'est qu'un mot. Laissez donc Valéry au fronton du Trocadéro. L'homme seul est le plus libre au contraire, surtout quand il s'agit de dire non, à toutes fin utiles, et en prenant touus les risques."


(...)
Mandel : sombrement - En vérifiant que le désordre opprime d'abord le faible. Il l'opprime directement et il le trahit aussi en affaiblissant la République, qui ne peut le protéger que si elle est résolue.
(...)
L'ordre ! - c'est le problème avec lui : il sert à tout. Ce n'est pas une raison pour le haïr, comme vous le faites, vous et les vôtres."

(...)
Blum : "Mais c'était le système qui était responsable bien plus que ce malheureux...
Mandel : Encore ! Toujours cette abstraction, toujours cette indulgence ! Mais on y revient toujours, il n'y a pas de système sans les hommes. Pas d'effet statistique. Des individus libres et les choix de leur liberté, l'un après l'autre."


Ce petit livre m'a en tout cas donné envie d'en savoir plus sur la pensée politique de Mandel et Clemenceau.

dimanche 7 mars 2010

Les mains pleines de livres



De passage dans ma librairie, j'ai récupéré "L'un de nous deux" dont je parlais il y a peu de temps.J'avais prévu d'acheter "Tous les hommes sont menteurs" de Manguel. Mais je suis aussi tombé sur le dernier Paul Auster, "Invisible".
Une bonne cueillette donc... Le Paul Auster n'a pas eu le temps de rejoindre les rayonnages de notre bibliothèque, mon amie en ayant aussitôt commencé la lecture. Pour ma part, j'ai commencé la pièce de théâtre qui n'est pas sans me rappeler "Le souper" en effet.

mardi 2 mars 2010

Cristallisation secrète

C’est une critique dans un magazine qui m’a amenée à Cristallisation secrète ; la couverture m’a plu, le livre est édité chez Actes Sud et j’aime, la plupart du temps, la littérature japonaise ; ce livre m’appelait. Je l’ai reçu en cadeau et lu rapidement : je me suis trouvée happée par cette étrange histoire.

Sur l'île dans laquelle vit la narratrice, des choses disparaissent. Des choses variées, pas toujours matérielles. Mais elles disparaissent, y compris de la mémoire des habitants. Ou du moins de presque tous. Très vite j'ai accepté le surnaturel de l'histoire pour me l'approprier naturellement, comme il nous est présenté. On ne s'interroge pas ici sur le pourquoi de ces disparitions, mais sur le "comment les gérer".

L'écriture de Yoko Ogawa est claire et féminine. Elle en appelle souvent aux sens du lecteur, les mélange et les redécouvre d'une façon qui m'a beaucoup plu. Elle s'interroge sur notre rapport au corps, aux liens entre le physiologique et l'âme, en particulier au travers de la voix et de la mémoire. Elle explore aussi le thème de la résistance, mais de façon très réaliste et humaine: la narratrice n'est pas une femme exceptionnelle et elle agit simplement comme elle pense devoir le faire, mais sans principes idéalistes ni grandes théories: elle vit. Et c'est son histoire, entièrement vue par ses yeux et sa sensibilité, qui nous est relatée. De ce fait, pas d'explications lourdes, pas de traduction de ses émotions; parfois elles me sont restées étrangères, parfois m'ont touchée intimement: c'est juste l'histoire de cette femme dans un contexte particulier.

J'avais relevé, au fil de ma lecture, de nombreuses phrases que je trouve magnifiques. Mais aujourd'hui que j'écris ce billet, je n'en peux citer aucune ici: elles sont trop liées au contexte, et je me les suis appropriées de façon si profonde que les retranscrire ne traduirait pas ce qu'elle signifient vraiment pour moi.

Voilà un livre que je suis heureuse d'avoir lu.

dimanche 28 février 2010

2010, année Gracq ?

L'un de mes auteurs favoris aurait eu 100 ans en juillet 2010... Et certains voudraient fêter cela si on en croit un billet de Pierre Assouline. Outre l'absurdité de fêter le "centenaire" d'un homme mort en décembre 2007, j'y vois surtout l'occasion d'utiliser l'image d'un homme qui s'est toujours voulu discret et à l'écart du monde, y compris littéraire.
Le seul intérêt que j'y vois est la parution probable d'ouvrages sur Gracq. Quoique s'ils sont de la qualité du livre de Jean de Malestroit, je m'en passerais volontiers.

samedi 13 février 2010

La preuve par trois


J'ai découvert et je vais bientôt lire "L'un de nous deux", une pièce de théâtre écrite par Jean-Noël Jeanneney , un historien. Ce qui est la première raison de lire la pièce, selon moi. Il y met en scène Léon Blum et Georges Mandel, détenus durant près d'un an en Allemagne, entre 1943 et 1944. Il reconstitue un possible dialogue entre ces deux hommes politiques.
J'ai découvert cette oeuvre grâce à Pierre Assouline, qui formule à cette occasion magnifiquement une réflexion que j'avais ébauché jadis dans mon mémoire d'IUFM consacré à l'utilisation de la fiction en cours d'histoire :
"(...)la fiction est souhaitable aux yeux des historiens dès lors qu’elle permet d’aller là où il ne vont pas, de dire ce qu’ils n’ont pas réussi à dire avec les moyens qui étaient les leurs, d’imaginer ce qu’ils n’avaient pas droit d’imaginer eu égard à leurs contraintes,de prolonger leur réflexion là où ils ont dû l’abandonner faute de munitions et donc d’apporter autre chose que ce que les historiens apportent à l’Histoire."
Voici donc une seconde raison de lire cette pièce. La troisième m'a été donné à la lecture des dernières lignes de Pierre Assouline :
"En la lisant, on voit et on entend la pièce. Difficile de ne pas superposer des visages et des voix. Pour ma part, j’y ai vu et entendu Claude Rich et Claude Brasseur, Talleyrand et Fouché, dans un autre souper."
Trois bonnes raisons donc de lire "L'un de nous deux".

vendredi 12 février 2010

P. A contre BHL et le reste du monde

Cela faisait longtemps que je n'avais pas parcouru le blog de Pierre Assouline. J'ai adoré lire ses attaques sur Bernard - Henry lévy, incisives et pleines d'humour ainsi sans doute d'un peu de mauvaise foi. Mais l'article le plus intéressant est pour moi "Soudaine extension du domaine de la censure" dans lequel il parvient à se faire trois "ennemis" en quelques dizaines de lignes.
Le milieu de l'écriture et de l'édition française me semble un vrai modèle du genre, décidement !

Souvenirs (2)




Pour une occasion particulière, j'ai été amené à me remémorer les livres qui ont compté dans ma jeunesse, vers 10 ou 11 ans.
Il y a bien sûr "Le seigneur des anneaux" dont j'ai déjà évoqué la rencontre ici. Et puis un livre de la Bibliothèque Rouge et or intitulé "Le survivant du Pacifique" : Il s'agit de l'odyssée du porte-avions américain "Enterprise", qui a accompli toute la guerre du Pacifique. Il échappa au désastre de Pearl Harbour et il participa par la suite à chacun des opérations américaines contre les japonais. L'auteur a trouvé dans des mémoires et dans des documents officiels, les détails de cette histoire, qu'il sait rendre passionnante pour un gamin.
Toujours en histoire, j'ai lu et relu "L'histoire de France en bande dessinée" parue chez Larousse à partir de 1979 pour mes exemplaires, au rythme d'un par mois pour 24 tomes.
Il y a aussi une collection de romans historiques que j'ai lu à la bibliothèque municipale du village voisin. Malheureusement, je ne me souvient plus de la maison d'édition.
Enfin, il me faut évoquer le livre - jeu "La citadelle du chaos" offert par un collègue de mon père venu dîner à la maison et qui m'a ouvert les portes du jeu de rôle.

jeudi 11 février 2010

Souvenirs




Je suis en train de revoir la série Dune, réalisée en 2000 en deux volets : Dune et Les enfants de Dune.
Cette série m'a rappelé une trilogie de romans de science-fiction prêtée par un oncle et que j'ai lu adolescent. Il s'agit de la trilogie du Soleil mort de Caroline Janice Cherryh : Kesrith, Shon'Jir, Kutath.
J'ai retrouvé cette trilogie en anglais et je dois avoir l'un des tomes publiés chez Opta en traduction française. Je pense me lancer à la recherche des deux autres.

jeudi 14 janvier 2010

Résonnance



Je viens de lire le premier tome de la bande dessinée Mon année, de Morvan et Taniguchi.
Cette histoire de petite fille "différente"(elle est trisomique) qui voit ses parents s'éloigner l'un de l'autre peu à peu, fait en quelque sorte écho à ma propre expérience.
Le dessin de Taniguchi et les couleurs pastel qu'il a utilisé pour coloriser l'album rende le tout magnifique. J'ai hâte de pouvoir lire la suite.

mardi 5 janvier 2010

Au pays des mots bavards

J'ai enfin achevé de lire un livre, à nouveau. Un petit livre, à la couverture verte, simple, sobre : Le voyage de la tache d'encre au pays des mots bavards.

D'abord j'ai aimé l'objet: son format, sa couleur bizarre, son toucher de papier à dessin. Le quatrième de couverture m'a alléchée: références au Petit Prince et à Alice, c'était prometteur.

Une petite fille, Lilas, se transforme en tache d'encre. Elle vogue dans des univers étranges à la recherche de ce qui la rendait humaine et qu'elle a perdu: des mains, de la peau, un visage, des jambes, un esprit, quelque chose d'assez incompréhensible et confus qui s'apparente à l'énergie, des yeux, le don de penser, et enfin une consistance, de la chair.

Manifestement Didier Séraffin, l'auteur rouennais de cette étrange histoire, l'a voulue poétique, onirique, proche du conte. Mais à force de mélanger les genres, cela devient parfois agaçant:
- Le roman est très répétitif. Chaque chapitre suit le même schéma que les autres et c'en devient monotone.
- Un personnage principal enfant, c'est dangereux et difficile: Lilas s'exprime souvent comme l'adulte pense qu'un enfant s'exprime. Pas comme une enfant.
- Je reste perplexe sur cet inventaire de ce qui définit l'humanité.
- Le style oscille entre écriture poétique et modernité, et l'auteur abuse franchement (à mon goût) des jeux de mots et de sonorités. En fait, le titre, "Voyage de la tache d'encre au pays des mots bavards", est bien trouvé: les mots sont vraiment, vraiment bavards, dans ce bouquin. Mais parfois je ne m'entends plus penser, du coup...

"- Moi, je suis le cerf. (...) J'erre et jamais ne me perds. Mais je ne sais pas à quoi je sers.
- Tu es un cerf incertain?"

"-Un soufflé? C'est un plat, mais attention, pas un plat raplapla."

"Lilas philosophait maintenant comme une pro et non plus comme une proie!"

Et autres "frappadingue", "casse-toi", etc.

Pourtant, j'ai été émue, aussi, à la lecture de ce conte. L'auteur s'applique à retranscrire des impressions, des ressentis subtils, et avec lui on partage justement un peu de non-dit d'humains, on rêve et on flotte.

Je lirai l'autre roman de cet auteur : cette lecture-ci m'a intriguée, et est à part.