dimanche 5 décembre 2010

L'institut de remise à l'heure des montres et des pendules

L'achat de ce livre a déjà été une expérience amusante car le libraire a cru à une plaisanterie de mon amie lorsqu'elle a passé commande pour moi, tant il est vrai que le titre du roman et le nom de l'auteur semble "inventés"...
La lecture n'en est pas aisée, le style exubérant aux phrases complexes nécessitant de s'accrocher au texte. Hayri Irdal, le héros, me semble un frère de Mangeclous et le récit de la création de l'Institut de remise à l'heure des montres et des pendules rappelle les tribulations des Valeureux face à la SDN. Tanpinar en profite pour dresser une galerie de personnages exentriques et savoureux : Halit le Régulateur, le docteur Ramiz, Abdüsselam Bey, Nouri Efendi l'Horloger et beaucoup d'autres.

Amateur de montres mécaniques, je ne suis pas resté insensible au sujet - prétexte du roman : la nécessité d'avoir des montres et pendules bien à l'heure pour ne pas perdre de temps qui aboutit à la création d'un institut semi-officiel chargé de mettre à l'amende les possesseurs de montres et d'horloges en retard ! Cette idée amusante est l'occasion de quelques magnifiques pages sur les montres ou le temps :

" Le bruit de la montre était pour eux semblable au murmure de l'eau dans la fontaine aux ablutions de la mosquée, c'était presque le son de l'éternité pour leur monde intérieur. Elle avait un bruit bien à elle et des qualités particulières qui se déployaient des côtés de la vie. D'une part, elle déterminait notre présence aujourd'hui ainsi que nos devoirs tandis que de l'autre elle proposait la félicité éternelle à laquelle nous aspirons toujours, ses chemins immaculés".

"C'était pourtant une belle pièce. Elle avait un rythme bien à elle, ne s'occupant de personne, folâtrant comme un cheval de somme ayant faussé compagnie à son attelage, perdue dans ses pensées. Selon quel calendrier avançait-elle, quelle année poursuivait-elle, qu'attendait-elle des jours entiers et puis soudain quel évènement secret et important annonçait-elle de sa voix lente, sourde, occupant tout l'espace ? Nous n'en avions aucune idée. Car cette horloge indépendante n'admettait ni réglage ni réparation"

"En fait il ne faisait pas de différence entre l'homme et la montre. Souvent il disait : "le Tout - Puissant a créé l'homme à son image ; et l'homme a inventé la montre afin quelle lui ressemble..." Et il approfondissait parfois en ces termes : "la montre elle-même est espace, sa marche est le temps et son réglage est l'homme... Ce qui prouve encore que le temps et l'espace coexistent en l'homme ! ""

" Songez, Hayri Irdal, songez mon bon ami, à ce qu'impliquent ces paroles ! Cela revient à dire qu'une horloge bien réglée n'avance pas même d'une minute. Et pourtant, que faisons - nous ? Que fait l'ensemble de la ville et le pays tout entier ? Nous perdons la moitié du temps avec de pendules déréglées. Si chacun quotidiennement perdait une minute par heure, alors nous perdrions dix-sept millions de minutes à l'heure. Si nous considérons que la partie vraiment utile de la journée est constituée de dix heures, cela fait cent quatre - vingt millions de secondes. Autant dire trois millions de minutes par jour et nous perdons ainsi cinquante mille heures par jour. (...) Une déperdition à vous rendre fou... Une perte de temps dans nos travaux, nos vie et notre vie économique.Tu comprends mieux maintenant la grandeur de Nouri Efendi, son génie ? C'est grâce à lui que nous dépasserons cette perte. Et c'est là que réside l'aspect vraiment utile de notre institution..."


Je n'ai pas terminé ce roman encore, mais je voulais en parler déjà.

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