samedi 18 novembre 2006

300 : "Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses lois."

Dans 300, Frank Miller a décidé de nous remettre en mémoire une histoire mythique, une histoire grecque, une histoire de volonté, de courage, de trahison. Une histoire de bataille éternelle. Une bataille entrée dans la légende. Une bataille où des hommes, des Grecs, des Spartiates, se sacrifièrent jusqu’au dernier pour bloquer une immense armée d’invasion perse. Léonidas, roi de Sparte, et ses quelques milliers d’hommes, bloquèrent les forces innombrables de l’empereur perse, Xèrxès.

300 raconte ce fait d’armes dont nous avons tous entendu parler, à un moment où à un autre. La bataille des Thermopyles reste en effet comme l’archétype de la résistance désespérée, la lutte à mort pour priver un ennemi de la victoire qui était à portée de sa main.

Miller, bien sûr, en romance le canevas. Dans son style incisif, pointu, il dissèque les principaux personnages, les débarrasse des oripeaux inutiles, pousse même jusqu’à la caricature pour mettre en place un affrontement entre les Grecs et les Perses, l’Orient et l’Occident, les mâles contre l’empereur efféminé. Le bien contre le mal.

300 est une œuvre très forte. Le dessin est incroyable, précis. Enfermé dans des cases nettes, carrées ou rectangulaires, la structure des pages de Miller crée d’emblée une tension, encore augmentée par la concision des dialogues. Vous êtes en terre spartiate, vos personnages ne peuvent être que laconiques.

La peinture des personnages ne vous laisse pas indifférent non plus. Les Grecs sont brossés comme de purs guerriers, presque nus, ne portant que leurs armes, une cape rouge, un pagne, leur casque ; Xèrxès, sophistiqué, couvert de bijoux, presque efféminé sur son trône digne de Cléopâtre, symbole de l’Orient infini ; son armée comme la masse innombrable de tous les peuples de la Terre, asservis par le tyran, promis à une mort certaine sous les coups des "hommes" de Grèce.

On a accusé Miller de racisme dans cet album. Pointant du doigt le graphisme, certains ont fait ce cette oeuvre une apologie de la race blanche contre les autres nations. C’est de l’incompréhension. Derrière le roi de Sparte, Miller dresse sans complaisance le spectre du fanatique oublieux de toutes les règles, le panégyriste de la fin qui justifie tous les moyens. A l’avidité des Perses répond la rigidité des Grecs, leur besoin de pureté, leur incapacité à concevoir autre chose que la force.