vendredi 10 décembre 2010

Neige

C'est de saison : Neige, de Keiko Maeo, aux éditions Autrement Jeunesse.
Une couverture recouverte de tissu, des couleurs paisibles, un dessin clair et touchant, et de la neige. Une petite fille qui voit la neige tomber et recouvrir sa ville, qui en profite simplement.
"Odeur de froid
très froid
Même les yeux fermés
Étendue blanche
Neige"
Comment dire à quel point ce petit livre me bouleverse?
Est-ce parce que c'est l'homme que j'aime qui l'a choisi pour moi? Parce qu'il l'a si bien choisi, parce que cette petite fille me ressemble? Parce qu'à l'intérieur de la couverture, ces mots d'amour sont pour moi? Parce que je l'ai ouvert devant un thé bien chaud un après-midi d'hiver, et lu pour la première fois dans des bavardages gais d'enfants?
Pas seulement. Il m'a émue profondément et joliment.
Mais je ne trouve pas les mots.
Peut-être est-ce mieux: ainsi, ils n'appartiennent qu'à moi, ces mots silencieux, et à ceux qui me connaissant assez pour comprendre.

Pas n'importe qui



Ce n'est pas n'importe qui, l'auteur de Le grand n'importe quoi. C'est Jean-Pierre Marielle.
C'est un comédien que j'apprécie beaucoup. Non qu'il n'ait joué que dans des grands films, mais dans l'un d'eux il a bien failli me faire mourir de rire et dans bien d'autre j'ai admiré sa prestance: voilà un homme qui conjugue dignité et originalité.
Il est venu à l'Armitière il y a quelques semaines. Depuis très longtemps j'avais envie d'assister à des rencontres organisées par cette librairie; celle-ci aura donc été la première.
A l'étage des chaises avaient été installées, et lorsque je suis arrivée, en avance, il ne restait plus que quelques places assises. Au final le public était nombreux pour écouter monsieur Marielle. Public assez crispant d'ailleurs, du moins pour sa partie expressive: les gens qui ont posé des questions ou sont intervenus étaient assez pénibles, comme persuadés de détenir la vérité sur Jean-Pierre Marielle, et comme si cela revêtait une importance capitale. Ils étaient à fleur de peau, manifestement en recherche d'une reconnaissance qui m'a mise mal à l'aise.

Alors que lui, il était bien loin de tout cela.

D'abord, monsieur Marielle est un vieux monsieur. Et dur de la feuille. Il n'a donc pas entendu les questions ou les interventions hors micro.
Ensuite, il n'avait d'yeux que pour son épouse. Et il n'a donc pas vu l'agitation de ses fans sautillants.
Enfin, il ne se prend pas assez au sérieux pour accorder de l'importance à ce genre de choses.

Son livre, Le grand n'importe quoi, présente "l'inventaire d'une vie, entre nécessités et passions, vifs contentements et déceptions", au fil de conversations avec son gendre et organisées par ordre alphabétique: de "âge" à "zut".
Je ne suis pas habituée à ce type d'ouvrage, espèce d'autobiographie partielle. Lire la vie de quelqu'un à l'"existence imprévue" est toujours intéressant, et la retenue dont Jean-Pierre Marielle fait preuve rend la lecture agréable, même si elle n'est pas marquante.

Quelques extraits de son livre, mêlés à quelques réflexions lors de sa venue:
"Lorsque nous ne faisons pas de conneries de notre propre chef, la nature s'en mêle."

"Instinctivement, je refuse ; ensuite, j'envisage de revenir sur la décision."
"Je n'ai pas fait carrière, j'ai fait des rencontres."

"Suggérer d'emblée qu'on nous foute la paix est la meilleure stratégie pour ne laisser venir à nous que les plus opiniâtres, les meilleurs. Cette distance hérisse de piques notre bulle, pour tenir en respect les inquiétudes et les importuns."
"J'ai hésité à appeler mon fils Ingmar ou Bergman, alors au final je l'ai appelé François. Comme Villon; ce n'est pas si mal!"

"J'aime autant être seul que rencontrer des gens (...) Je suis un misanthrope mondain, un solitaire bavard."

"Je ne sais pas jouer du saxo ténor, alors je me contente de faire le clown."

"Je hais les optimistes (...) Les gens qui vont bien, qui le proclament fièrement sans cesse, me désolent. Je ne peux leur accorder ma confiance: ils ont trop à perdre pour être fidèles et honnêtes."

Alors que je partais, une admiratrice demande à Jean-Pierre Marielle: "Vous incarnez tellement intensément vos personnages, combien vous faut-il de temps pour sortir de votre rôle?"
Marielle regarde dans sa direction, sourit aimablement et répond, de son incroyable voix: "Oh , chère madame, quand je passe la porte du studio, je pense à autre chose."

dimanche 5 décembre 2010

L'institut de remise à l'heure des montres et des pendules

L'achat de ce livre a déjà été une expérience amusante car le libraire a cru à une plaisanterie de mon amie lorsqu'elle a passé commande pour moi, tant il est vrai que le titre du roman et le nom de l'auteur semble "inventés"...
La lecture n'en est pas aisée, le style exubérant aux phrases complexes nécessitant de s'accrocher au texte. Hayri Irdal, le héros, me semble un frère de Mangeclous et le récit de la création de l'Institut de remise à l'heure des montres et des pendules rappelle les tribulations des Valeureux face à la SDN. Tanpinar en profite pour dresser une galerie de personnages exentriques et savoureux : Halit le Régulateur, le docteur Ramiz, Abdüsselam Bey, Nouri Efendi l'Horloger et beaucoup d'autres.

Amateur de montres mécaniques, je ne suis pas resté insensible au sujet - prétexte du roman : la nécessité d'avoir des montres et pendules bien à l'heure pour ne pas perdre de temps qui aboutit à la création d'un institut semi-officiel chargé de mettre à l'amende les possesseurs de montres et d'horloges en retard ! Cette idée amusante est l'occasion de quelques magnifiques pages sur les montres ou le temps :

" Le bruit de la montre était pour eux semblable au murmure de l'eau dans la fontaine aux ablutions de la mosquée, c'était presque le son de l'éternité pour leur monde intérieur. Elle avait un bruit bien à elle et des qualités particulières qui se déployaient des côtés de la vie. D'une part, elle déterminait notre présence aujourd'hui ainsi que nos devoirs tandis que de l'autre elle proposait la félicité éternelle à laquelle nous aspirons toujours, ses chemins immaculés".

"C'était pourtant une belle pièce. Elle avait un rythme bien à elle, ne s'occupant de personne, folâtrant comme un cheval de somme ayant faussé compagnie à son attelage, perdue dans ses pensées. Selon quel calendrier avançait-elle, quelle année poursuivait-elle, qu'attendait-elle des jours entiers et puis soudain quel évènement secret et important annonçait-elle de sa voix lente, sourde, occupant tout l'espace ? Nous n'en avions aucune idée. Car cette horloge indépendante n'admettait ni réglage ni réparation"

"En fait il ne faisait pas de différence entre l'homme et la montre. Souvent il disait : "le Tout - Puissant a créé l'homme à son image ; et l'homme a inventé la montre afin quelle lui ressemble..." Et il approfondissait parfois en ces termes : "la montre elle-même est espace, sa marche est le temps et son réglage est l'homme... Ce qui prouve encore que le temps et l'espace coexistent en l'homme ! ""

" Songez, Hayri Irdal, songez mon bon ami, à ce qu'impliquent ces paroles ! Cela revient à dire qu'une horloge bien réglée n'avance pas même d'une minute. Et pourtant, que faisons - nous ? Que fait l'ensemble de la ville et le pays tout entier ? Nous perdons la moitié du temps avec de pendules déréglées. Si chacun quotidiennement perdait une minute par heure, alors nous perdrions dix-sept millions de minutes à l'heure. Si nous considérons que la partie vraiment utile de la journée est constituée de dix heures, cela fait cent quatre - vingt millions de secondes. Autant dire trois millions de minutes par jour et nous perdons ainsi cinquante mille heures par jour. (...) Une déperdition à vous rendre fou... Une perte de temps dans nos travaux, nos vie et notre vie économique.Tu comprends mieux maintenant la grandeur de Nouri Efendi, son génie ? C'est grâce à lui que nous dépasserons cette perte. Et c'est là que réside l'aspect vraiment utile de notre institution..."


Je n'ai pas terminé ce roman encore, mais je voulais en parler déjà.

jeudi 2 décembre 2010

Manchette ou Rio ?

En lisant "La position du tireur couchée" de Jean - patrick Manchette, j'ai un moment eu un sentiment de déjà vu... L'histoire de ce tueur à gage voulant décrocher et dont l'amour pour une femme va entrainer sa perte m'a rappelé "Faux pas" de Michel Rio.
Dans les deux cas, l'intrigue est simplicime et le propos assez sombre. Mais Rio a écrit un roman intemporel dont l'objet est de rendre compte des état d'âme d'un monstre social tandis que Manchette place son action dans les années 70, en pleine guerre froide.Je n'ai pas adhéré au soubassement géopolitique de l'intrigue de Manchette et je trouve qu'elle nuit au roman.
Christian, le héros de Manchette, subit les évènements tandis que "l'inconnu" de Rio mène le jeu. C'est que Manchette a signé un roman qui réfléchit sur la société tandis que Rio analyse l'individu.
Et puis la fin... la fin du livre de Manchette m'a paru ridicule, avec cette répétition générationnelle tandis que la fin du livre de Rio est simple et semble s'imposer de soi.

mercredi 1 décembre 2010

Portraits d'écrivains





La maison Victor Hugo située place des Vosges, à Paris, propose une exposition regroupant 200 photographies d'écrivains, entre 1850 et aujourd'hui.
Dans le même temps, la maison d'édition Anabet a proposé une exposition de 100 portraits d'auteurs regroupés ensuite dans un ouvrage : 40 ans de rentrée littéraire.