vendredi 27 mai 2011

Remontée acide

Je commence à lire "La littérature à l'estomac" de Gracq, un petit livre qui ne paye pas de mine dans son édition de 1951... Je me doutais que son propos doit encore être d'actualité, mais je ne savais pas à quel point !
"La France, qui s'est si longtemps méfiée du billet de banque, est en littérature le pays d'élection des valeurs fiduciaires. Le Français qui se figure malaisément ses leaders politiques sous un autre aspect que la rangée de tête d'un jeu de massacre, (tiens, il faudra que j'écrive un billet sur La politique telle qu'elle meurt de ne pas être que je viens de terminer) croit les yeux fermés, sur parole, à ses grands écrivains. (qui a dit BHL ?)

Un peu plus loin : "l sait qu'il y a toujours eu de grands écrivains, et qu'il y en aura toujours, comme il savait jusqu'à 1940 que l'armée française est invincible."

Un livre à savourer donc...

dimanche 15 mai 2011

Gracq toujours

Pierre Assouline évoque à son tour les Manuscrits de guerre de Julien Gracq dans un beau billet. J'aime particulièrement le passage sur Yves lacoste et le détournement de sa formule en "la géographie, ça sert aussi à faire la littérature".

jeudi 12 mai 2011

Promenade avec Gracq

Étrange livre que Les eaux étroites. On peut se demander de prime abord ce qui a poussé Gracq à vouloir le publier et les éditions Corti à accepter !
Ce petit volume raconte les souvenirs des promenades sur l'Evre faites par l'auteur, mêlant descriptions de paysage et réminiscence de lectures.
Quel intérêt sinon les mots de Gracq, si puissants et évocateurs pour moi ?

"Pourquoi le sentiment s'est-il ancré en moi de bonne heure que, si le voyage seul - le voyage sans idée de retour - ouvre pour nous des portes et peut changer vraiment notre vie, un sortilège plus caché, qui s'apparente au maniement de la baguette de sourcier, se lie à la promenade entre toutes préférée, à l'excursion sans aventure et sans imprévu qui nous ramène en quelques heures à notre point d'attache, à la clôture de la maison familière ?"

mercredi 4 mai 2011

Des écrivains en vidéo

J'ai déniché plusieurs entretiens donnés par mes écrivains préférés :






Julien GRACQ 'Entretien" par MELMOTH


Paul Auster sur Rue89 : l'interview intégrale par rue89

Un balcon en forêt

Lire Un balcon en forêt après les manuscrits de guerre de Gracq est éclairant. On mesure combien l'expérience de la guerre du Lieutenant Poirier a enrichi la fiction mettant en scène l'aspirant Grange. Certains passage du journal de guerre sont purement repris dans le roman, comme l'épisode du fuyard dont la maison a été détruit par des "canons - revolvers" et les Knackebrot de seigle qualifiés de "nourriture triste" dans les deux textes.
Le roman recèle aussi de magnifiques descriptions de paysage, montrant l'oeil exercé du géographe de la génération des Vidal de la Blache ou des De Martonne. "Le train , qui suivait la rivière lente,s'était enfoncé d'abord entre de médiocres épaulements de collines couverts de fougères et d'ajonc." Lire le Gracq géographe me fait l'effet de me retrouver en hypokhâgne, lorsque je passais des heures sur les cartes topographiques et les coupes géomorphologiques, à essayer d'expliquer le paysage français.
Je n'arrivais plus à lire, et voilà qu'en quelques jours, j'ai lu deux livres de Julien Gracq. Il est décidément devenu mon auteur préféré !

mardi 3 mai 2011

La disparition des traces

A l'heure où viennent de paraitre les manuscrits de guerre de Gracq, Pierre Assouline se fait l'écho d'une inquiétude de l'Institut des textes et manuscrits modernes : avec le numérique, les traces de la création des oeuvres littéraires ont tendance à disparaitre. Il sera bientôt difficile sinon impossible de reconstituer le cheminement de la pensée des auteurs de fictions comme d'essais.

dimanche 1 mai 2011

Ecrits de guerre

Je viens de finir les "Souvenirs de guerre" de Julien Gracq, première partie du recueil intitulé Manuscrits de guerre. Il s'agit du récit de la campagne de 1940 vécue par le lieutenant Poirier entre le 10 mai et le 2 juin, de la Flandre aux environs de Dunkerque.
Composé a postériori, mais prenant la forme d'un journal de bord, le récit de 125 pages nous montre la défaite française et nous l'explique aussi : "il s'établissait comme en langage chiffré, comme en morse, un dialogue mystique : d'un côté l'âme sage, timide et économe et de l'autre une volonté sauvage, farouche, d'étouffer, d'écraser, de courber sous son joug l'adversaire, d'avoir à tout prix le dernier mot."Ou encore : "Rien d'authentique ne sera sorti de cette guerre que le grotesque aigu de singer jusqu'au détail 1870 et 1914."

Gracq est un observateur lucide, tant de la menée de la guerre que des rapports humains qu'elle entraine. " De notre situation désespérée ne naît, comme on pourrait le croire, ni communion, ni cordialité. Chacun se referme sur soi-même, dans sa boule dure, et il n'y a peut-être aucun moment de la guerre où je n'aie sentie jusqu'à la gêne les rapports entre hommes plus hypocrites, plus creux. Chacun est seul. Eh bien ! Va pour la solitude, et tant mieux."

Il me reste à lire le récit de guerre dont l'action se déroule sur deux jours et deux nuits et reprend en partie les souvenirs du lieutenant Poirier.
Je n'ai qu'un regret concernant ce livre, c'est que la maison José Corti ait changé la qualité du papier et de la couverture et que le volume soit massicoté !