jeudi 31 mai 2007

Un auteur à redécouvrir ?

J’ai lu Julien Gracq en Hypokhâgne, durant l’été avant d’y entrer pour être exact. Etrange impression que de lire Le Rivage des Syrtes sous une tente, en camping…

Ce livre m’avait ennuyé à l’époque, mais comme l’un des éléments clés de l’œuvre était l’inaction et l’ennui qui en découlait, cela m’avait semblé normal.

Depuis, je n’ai pas lu d’autres œuvres de cet auteur. Or, les deux magnifiques articles que lui a consacré Pierre Assouline ici et m’ont redonné envie.

Notamment ce passage de son interview écrite dans le Magazine littéraire :

« Une des particularités de l’écrivain, et qui conditionne profondément son oeuvre, me semble être -s’il n’est pas un polygraphe plus ou moins assujetti à la commande des éditeurs- qu’il secrète de bonne heure autour de lui une bulle, liée à ses goûts, à sa culture, à son climat intérieur, à ses lectures et rêveries familières, et qui promène partout avec lui, autour de lui, une pièce à vivre, un “intérieur” façonné à sa mesure souvent dès la vingtième année, où il a ses repères, ses idoles familières, ses dieux du foyer, où son for intérieur se sent protégé contre les intempéries et à l’aise. Sans l’existence de cette bulle protectrice, deux choses demeurent mal explicables.

D’abord que l’oeuvre d’un écrivain reste dans son ensemble cohérente et articulée au milieu d’un monde déchaîné-le XXème siècle pour ma génération- qui n’a souvent été que catastrophes, renversements brutaux, guerres d’extermination et mutation accélérée de toutes ses structures sociales, comme de son environnement technique. Et sans cette “bulle”, il est difficile aussi de comprendre une certaine indifférence de l’écrivain aux vicissitudes de la vie littéraire à laquelle il se trouve mêlé. Il n’est en général ni un grand découvreur de talents nouveaux, ni un lecteur boulimique de ses contemporains. Il se nourrit de son temps, mais il se protège aussi de ses agressions. Il nous semble, à distance, avoir traversé son époque comme le capitaine Nemo dans Jules Verne traverse les océans, passionné par le spectacle, mais toujours derrière la vitre à l’abri de laquelle il a son orgue et sa bibliothèque, et qu’il ne quitte que pour de brèves incursions et descentes dans les abîmes extérieurs. La cohésion de l’oeuvre de l’écrivain est à ce prix; vers la fin de sa vie sa dominante, en fait de lecture, devient souvent la relecture, signature ultime d’une vie intérieure toujours sur la défensive, qui s’est arc-boutée contre les événements qui le menaçaient dans sa continuité organique, tout autant qu’elle en a nourri, une fois filtrés, sa substance littéraire ».

Pourquoi il ne faut plus lire Dantec !

J’aimais bien Dantec lorsqu’il écrivait des polars. Le classique mais distrayant « la Sirène Rouge » ou le monstrueux et passionnant « les Racines du Mal ».Mais pour qui serait séduit par ces livres et voudrait ingurgiter les milliers de pages de son journal intitulé Le Théâtre des opérations, la chute serait dure !

Dantec annonce la couleur : « Ce livre est l’enfant du chaos », « le chaos laissé par la dévolution de la pensée, par la peur, la haine de soi, le ressentiment, la culpabilité, et les divers étrons idéologiques qui font de la France ce pays qui est sorti définitivement de l’Histoire pour entrer dans l’âge des postures culturelles et des impostures politiques à grande échelle. »

Dantec a accouché d’un pamphlet énorme et haineux. Il y défend « le corps glorieux du Christ » et le retour aux sources des valeurs occidentales traditionnelles. Appelant à la croisade, ce néo converti appelle à terrasser les monstres de notre époque, au premier rang desquels figure l’islamisme radical, l’antiaméricanisme primaire et le nihilisme « zéropéen » (c’est lui qui le dit !).

Le plus grand des périls qui menacent aujourd’hui le monde est pour lui l’islam, une religion fondamentalement perverse : « Il n’y a pas d’islam militant et d’islam modéré. Il n’y a que des variations d’intensité. Les lois coraniques ne peuvent être adoucies que très provisoirement. » Et le danger serait gravement sous-estimé : « L’aveuglement des nihilistes occidentaux au sujet de l’islam semble un condensé de tous les aveuglements successifs de l’Occident depuis deux siècles. Sur le danger jacobin, sur le danger marxiste, positiviste, bolchevik, puis nazi, tiers-mondiste, maoïste, post-moderniste... » Vous apprécierez le joyeux mélange de ce rapprochement !

L’Humanité est entrée dans une nouvelle guerre de religions (ce n’est pas sans rappeler Hundington et sa théorie contestée du choc des civilisations). Et Dantec ne voit rien d’autre à opposer à ce qu’il considère comme l’impérialisme destructeur des fous d’Allah, qu’une sorte de christianisme new age: « Le prochain Christ sera à la fois celui du jugement et celui de la transcendance actualisée de l’amour, transvaluée au sens de devenir de l’être humain totalement assumé comme risque ontologique. »…. Ouf !

Ce retour aux sources de la spiritualité occidentale ( ?) conduit Dantec à n’envisager l’avenir qu’en regardant vers l’Ouest : « le futur de l’humanité s’élabore en Amérique. » D’ailleurs il a décidé de quitter l’Europe qu’il juge moribonde: « Je suis parti de France pour aller vers les Amériques qu’elle a perdues. Je viens en Amérique avec en moi toute la France qui s’est perdue en route ». Ceci étant, n’étant pas totalement fou, il s’est arrêté au Québec !
Il ne pouvait plus endurer « le lavage de cerveau anti-américain quotidien ». Il ne pouvait plus supporter ce qu’il qualifie d’arrogance et d’ingratitude « franchouilles » : « Plus de trois cent mille soldats américains sont morts en terre de France lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle. Villepin et Chirac (sic), à l’unisson avec leur "peuple" et ses « "représentants", ont d’un seul geste déboutonné leur braguette et allègrement pissé sur cette colossale pyramide de cadavres. » Cet homme est d’une finesse !

Sur la France, Dantec ne se fait plus d’illusions : « Y a-t-il une sortie vers le haut pour cette nation qui s’efforce par tous les moyens à sa disposition de rejoindre la bonde d’éjection des eaux usées de l’Histoire ? » Hop là, ça c’est fait….

Sur l’Europe son jugement n’est guère plus favorable : « L’Europe aura donc été une magnifique possibilité, morte avant que d’avoir vécu, ange avorté pour lequel il m’est difficile de ne pas ressentir le poids d’une chagrin lesté de toutes ces civilisations épuisées en vain. » Dans la foulée, Dantec assassine sans nuance l’Europe de Maastricht et affirme son opposition catégorique au projet de Constitution qu’il appelle « l’immonde papelard ». De ce point de vue la victoire du non au référendum de 2005 semble lui lui avoir procuré quelque satisfaction..

En définitive, la vision de Dantec est sombre : « je vis la fin d’un monde, je vis le crépuscule des hommes, je vis la terminaison de toute l’Histoire. » (On dirait du Fukuyama). S’il pouvait aussi terminer d’écrire !

Ses textes sont remplis de boursouflures, d’excès, de redondances. Le discours est semé de notions obscures (matrices, vortex, méta-codes, syncrétismes, ontologies et autres gros mots), par des formules à la « mord – moi – le nœud » (pour parler comme lui) et par des poèmes extrêmement hermétiques. En bref, son journal déborde de vomissures plus illisibles les unes que les autres.

Il ne faut pas continuer à lire Dantec… Ou alors il faut relire « Les Racines du Mal » et se dire qu’il est vraiment dommage que cet auteur soit trop tôt disparu.

mercredi 16 mai 2007

Un homme passionnant !

Il y a peu de personnes qui en vous parlant, vous donne l’impression de devenir plus intelligent…. C’est l’impression que m’a faite Jacques Attali, que je viens de voir dans une émission de Public Sénat consacrée à l’élection présidentielle (Face à nous).

Cet homme qui a été un proche de François Mitterrand (son conseiller spécial de 1981 à 1990) est aussi un ami de Nicolas Sarkozy (depuis 25 ans, a-t-il rappelé).

Bardé de diplômes (Polytechnique, IEP, ENA, les mines), cet homme fait preuve d’une culture hors du commun et d’un sens de la formule impressionnant….

C’est un écrivain émérite, auteur de fictions et d’essais. Il s’est aussi engagé dans de nombreuses actions humanitaires (contre la faim dans le monde, les inondations au Bengladesh, pour développer la micro finance et pour favoriser le développement des pays de l’est de l’Europe).

J’ai lu la série des Verbatim, mais je pense que je vais les relire et me pencher sur ses autres œuvres.

Un roman historique érudit sur l'origine du différent entre  les trois religions du Livre

le dernier livre de Jacques Attali : un essai sur l'avenir possible du monde

Un essai sur les Europe et la nécessité de n'en faire qu'une

François Mitterrand vu de

dimanche 13 mai 2007

Puisqu'on reparle d'Hubert Védrine....

Je vous conseille de lire ceci.

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Hubert Védrine, proche collaborateur de François Mitterrand pendant quatorze ans, conseiller diplomatique, porte-parole puis secrétaire général de l'Élysée, raconte et explique de l'intérieur comment le quatrième Président de la Ve République a affronté et traversé, durant ses deux septennats, les événements des années 1981-1995.

Il fait revivre la bataille des euromissiles, la « guerre des étoiles », le terrorisme, le conflit du Golfe, la réunification allemande, la paix au Proche-Orient, le drame yougoslave, et d’autres chapitres de cette histoire.

Et, surtout, le passage d'un monde à l'autre, de la compétition Est/Ouest à l'effondrement de l'URSS et au triomphe de l'économie globale de marché.

Dans les pas de Hubert Védrine, témoin de premier plan ou acteur, on suit la réflexion et la confrontation des grands décideurs de notre époque, on comprend le cheminement de leur pensée, leurs dilemmes, leurs oppositions, leurs convergences. On voit fonctionner les lieux et modes de pouvoir : sommets des Sept, conseils européens, déplacements présidentiels, conseils des ministres, conseils de défense, rencontres en tête-à-tête... On voit progresser l'interdépendance entre les États et les économies, le poids des médias.
Livre de référence passionnant, précis, documenté, rigoureux, l'ouvrage de Hubert Védrine est la chronique politique et diplomatique d'une décennie et demie qui a vu basculer dans le passé le monde issu de 1945 et commencer celui où nous vivons aujourd'hui.

Pour ma part, je vais pour l’occasion lire « la suite » :

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