jeudi 31 mai 2007

Pourquoi il ne faut plus lire Dantec !

J’aimais bien Dantec lorsqu’il écrivait des polars. Le classique mais distrayant « la Sirène Rouge » ou le monstrueux et passionnant « les Racines du Mal ».Mais pour qui serait séduit par ces livres et voudrait ingurgiter les milliers de pages de son journal intitulé Le Théâtre des opérations, la chute serait dure !

Dantec annonce la couleur : « Ce livre est l’enfant du chaos », « le chaos laissé par la dévolution de la pensée, par la peur, la haine de soi, le ressentiment, la culpabilité, et les divers étrons idéologiques qui font de la France ce pays qui est sorti définitivement de l’Histoire pour entrer dans l’âge des postures culturelles et des impostures politiques à grande échelle. »

Dantec a accouché d’un pamphlet énorme et haineux. Il y défend « le corps glorieux du Christ » et le retour aux sources des valeurs occidentales traditionnelles. Appelant à la croisade, ce néo converti appelle à terrasser les monstres de notre époque, au premier rang desquels figure l’islamisme radical, l’antiaméricanisme primaire et le nihilisme « zéropéen » (c’est lui qui le dit !).

Le plus grand des périls qui menacent aujourd’hui le monde est pour lui l’islam, une religion fondamentalement perverse : « Il n’y a pas d’islam militant et d’islam modéré. Il n’y a que des variations d’intensité. Les lois coraniques ne peuvent être adoucies que très provisoirement. » Et le danger serait gravement sous-estimé : « L’aveuglement des nihilistes occidentaux au sujet de l’islam semble un condensé de tous les aveuglements successifs de l’Occident depuis deux siècles. Sur le danger jacobin, sur le danger marxiste, positiviste, bolchevik, puis nazi, tiers-mondiste, maoïste, post-moderniste... » Vous apprécierez le joyeux mélange de ce rapprochement !

L’Humanité est entrée dans une nouvelle guerre de religions (ce n’est pas sans rappeler Hundington et sa théorie contestée du choc des civilisations). Et Dantec ne voit rien d’autre à opposer à ce qu’il considère comme l’impérialisme destructeur des fous d’Allah, qu’une sorte de christianisme new age: « Le prochain Christ sera à la fois celui du jugement et celui de la transcendance actualisée de l’amour, transvaluée au sens de devenir de l’être humain totalement assumé comme risque ontologique. »…. Ouf !

Ce retour aux sources de la spiritualité occidentale ( ?) conduit Dantec à n’envisager l’avenir qu’en regardant vers l’Ouest : « le futur de l’humanité s’élabore en Amérique. » D’ailleurs il a décidé de quitter l’Europe qu’il juge moribonde: « Je suis parti de France pour aller vers les Amériques qu’elle a perdues. Je viens en Amérique avec en moi toute la France qui s’est perdue en route ». Ceci étant, n’étant pas totalement fou, il s’est arrêté au Québec !
Il ne pouvait plus endurer « le lavage de cerveau anti-américain quotidien ». Il ne pouvait plus supporter ce qu’il qualifie d’arrogance et d’ingratitude « franchouilles » : « Plus de trois cent mille soldats américains sont morts en terre de France lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle. Villepin et Chirac (sic), à l’unisson avec leur "peuple" et ses « "représentants", ont d’un seul geste déboutonné leur braguette et allègrement pissé sur cette colossale pyramide de cadavres. » Cet homme est d’une finesse !

Sur la France, Dantec ne se fait plus d’illusions : « Y a-t-il une sortie vers le haut pour cette nation qui s’efforce par tous les moyens à sa disposition de rejoindre la bonde d’éjection des eaux usées de l’Histoire ? » Hop là, ça c’est fait….

Sur l’Europe son jugement n’est guère plus favorable : « L’Europe aura donc été une magnifique possibilité, morte avant que d’avoir vécu, ange avorté pour lequel il m’est difficile de ne pas ressentir le poids d’une chagrin lesté de toutes ces civilisations épuisées en vain. » Dans la foulée, Dantec assassine sans nuance l’Europe de Maastricht et affirme son opposition catégorique au projet de Constitution qu’il appelle « l’immonde papelard ». De ce point de vue la victoire du non au référendum de 2005 semble lui lui avoir procuré quelque satisfaction..

En définitive, la vision de Dantec est sombre : « je vis la fin d’un monde, je vis le crépuscule des hommes, je vis la terminaison de toute l’Histoire. » (On dirait du Fukuyama). S’il pouvait aussi terminer d’écrire !

Ses textes sont remplis de boursouflures, d’excès, de redondances. Le discours est semé de notions obscures (matrices, vortex, méta-codes, syncrétismes, ontologies et autres gros mots), par des formules à la « mord – moi – le nœud » (pour parler comme lui) et par des poèmes extrêmement hermétiques. En bref, son journal déborde de vomissures plus illisibles les unes que les autres.

Il ne faut pas continuer à lire Dantec… Ou alors il faut relire « Les Racines du Mal » et se dire qu’il est vraiment dommage que cet auteur soit trop tôt disparu.

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